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Job
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— Job, ses
richesses, sa piété. —
1 Il
y avait dans le pays de Hus un homme nommé Job ; cet homme
était intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal.
2 Il
lui naquit sept fils et trois filles.
3 Il possédait sept mille
brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cent
ânesses et un très grand nombre de serviteurs ; et cet homme
était le plus grand de tous les fils de l'Orient.
4 Ses fils
avaient coutume d'aller les uns chez les autres et de se donner un
festin, chacun à leur tour, et ils envoyaient inviter leurs trois
sœurs à venir
manger et boire avec eux.
5 Et, quand le cercle des festins était
fini, Job envoyait chercher ses fils et les purifiait ; puis il
se levait de bon matin et offrait un holocauste pour chacun d'eux,
car il se disait :
« Peut-être mes fils ont-ils péché et offensé Dieu dans
leur cœur !... » Et Job faisait ainsi chaque
fois.
— Première série
d'épreuves. —
6 Il arriva un
jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh,
Satan vint aussi au milieu d'eux.
7 Et Yahweh dit à Satan :
« D'où viens-tu ? » Satan répondit à Yahweh et
dit : « De parcourir le monde et de m'y promener. »
8
Yahweh dit à Satan : « As-tu remarqué mon serviteur
Job ? Il n'y a pas d'homme comme lui sur la terre, intègre,
droit, craignant Dieu et éloigné du mal. »
9 Satan
répondit à Yahweh : « Est-ce gratuitement que Job craint
Dieu ?
10 Ne l'as-tu pas entouré comme
d'une clôture, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient ?
Tu as béni l'œuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le
pays.
11 Mais étends la main, touche à tout ce qui lui
appartient, et on verra
s'il ne te maudit pas en face ! »
12 Yahweh dit à
Satan : « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton
pouvoir ; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et
Satan se retira de devant la face de Yahweh.
13 Or un jour que
ses fils et ses filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison
de leur frère aîné,
14 un messager vint dire à Job :
« Les bœufs étaient à labourer et les ânesses paissaient
autour d'eux ;
15 tout à coup les Sabéens sont survenus et
les ont enlevés. Ils ont passé les serviteurs au fil de l'épée,
et je me suis échappé seul pour te l'annoncer. »
16 Il
parlait encore, lorsqu'un autre arriva et dit : « Le feu
de Dieu est tombé du ciel ; il a embrasé les brebis et les
serviteurs et les a dévorés, et je me suis échappé seul pour te
l'annoncer. »
17 Il parlait encore, lorsqu'un autre
arriva et dit : « Les Chaldéens, partagés en trois
bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés. Ils ont
passé les serviteurs au fil de l'épée, et je me suis échappé
seul pour te l'annoncer.
18 Il parlait encore, lorsqu'un autre
arriva et dit : « Tes fils et tes filles mangeaient et
buvaient du vin chez leur frère aîné,
19 et voilà qu'un grand
vent s'est élevé de l'autre côté du désert et a saisi les quatre
coins de la maison ; elle s'est écroulée sur les jeunes gens,
et ils sont morts, et je me suis échappé seul pour te
l'annoncer. »
20 Alors Job se leva, il déchira son
manteau et se rasa la tête ; puis, se jetant par terre, il
adora
21 et dit : « Nu je suis sorti du sein de ma
mère, et nu j'y retournerai. Yahweh a donné, Yahweh a ôté ;
que le nom de Yahweh soit béni ! »
22 En tout
cela, Job ne pécha point et ne dit rien d'insensé contre Dieu.
— Job frappé
d'une lèpre maligne. —
1 Il
arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter
devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d'eux se présenter devant
Yahweh.
2 Et Yahweh dit à Satan : « D'où viens-tu ? »
Satan répondit à Yahweh et dit : « De parcourir le monde
et de m'y promener. »
3 Yahweh dit à Satan : « As-tu
remarqué mon serviteur Job ? Il n'y a pas d'homme comme lui sur
la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il
persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m'aies provoqué
à le perdre sans raison. »
4 Satan répondit à Yahweh et
dit : « Peau pour peau ! L'homme donne ce qu'il
possède pour conserver
sa vie.
5 Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et
on verra s'il ne te maudit pas en face. »
6
Yahweh dit à Satan : « Voici que
je le livre
entre tes mains ; seulement épargne sa vie ! »
7
Et Satan se retira de devant la face de Yahweh. Et il frappa Job
d'une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu'au sommet de la
tête.
8 Et Job
prit un tesson pour gratter ses plaies
et il s'assit sur la cendre.
9 Et sa femme lui dit : « Tu
persévère encore dans ton intégrité ! Maudis Dieu et
meurs ! »
10 Il lui dit : « Tu parles comme
une femme insensée. Nous recevons de Dieu le bien, et nous n'en
recevrions pas aussi le mal ? » En tout cela, Job ne pécha
point par ses lèvres.
— La
venue des trois amis de Job. —
11
Trois amis de Job, Eliphaz de Théman, Baldad de Suhé, et Sophar de
Naama, apprirent tous les malheurs qui étaient venus sur lui ;
ils partirent chacun de leur pays et se concertèrent pour venir le
plaindre et le consoler.
12 Ayant de loin levé les yeux, ils ne
le reconnurent pas, et ils élevèrent la voix et pleurèrent ;
ils déchirèrent chacun leur manteau, et jetèrent de la poussière
vers le ciel au-dessus de leurs têtes.
13 Et ils se tinrent assis
à terre auprès de lui sept jours et sept nuits, sans qu'aucun d'eux
lui dit une parole, parce qu'ils voyaient combien sa douleur était
excessive.
— Plaintes de
Job. —
1 Alors Job ouvrit la
bouche et maudit le jour de sa naissance.
2 Job prit la parole et
dit :
3 Périsse le jour où je suis né, et la nuit qui
a dit : « Un homme est conçu ! »
4 Ce
jour, qu'il se change en ténèbres, que Dieu d'en haut n'en ait pas
souci, que la lumière ne brille pas sur lui !
5 Que les
ténèbres et l'ombre de la mort le revendiquent, qu'un nuage épais
le couvre, que l'éclipse de sa lumière jette l'épouvante !
6
Cette nuit, que les ténèbres en fassent leur proie, qu'elle ne
compte pas dans les jours de l'année, qu'elle n'entre pas dans la
supputation des mois !
7 Que cette nuit soit un désert
stérile, qu'on n'y entende pas de cri d'allégresse !
8 Que
ceux-là la maudissent, qui maudissent les jours, qui savent évoquer
Léviathan !
9 Que les étoiles de son crépuscule
s'obscurcissent, qu'elle attende la lumière, sans qu'elle vienne, et
qu'elle ne voie point les paupières de l'aurore,
10 parce qu'elle
ne m'a pas fermé les portes du sein, et n'a pas dérobé la
souffrance à mes regards !
11 Que ne suis-je mort dès
le ventre de ma mère, au sortir de ses entrailles que n'ai-je
expiré !
12 Pourquoi ai-je trouvé deux genoux pour me
recevoir, et pourquoi deux mamelles à sucer ?
13 Maintenant
je serais couché et en paix, je dormirais et je me reposerais
14
avec les rois et les grands de la terre, qui se sont bâti des
mausolées ;
15 avec les princes qui avaient de l'or, et
remplissaient d'argent leur demeures.
16 Ou bien, comme l'avorton
ignoré, je n'existerais pas, comme ces enfants qui n'ont pas vu la
lumière.
17 Là les méchants n'exercent plus leurs
violences, là se repose l'homme épuisé de forces ;
18 les
captifs y sont tous en paix, ils n'entendent plus la voix de
l'exacteur.
19 Là se trouvent le petit et le grand, l'esclave
affranchi de son maître.
20 Pourquoi donner la lumière aux
malheureux, et la vie à ceux dont l'âme est remplie d'amertume,
21
qui espèrent la mort, et la mort
ne vient pas, qui la cherchent plus ardemment
que les trésors,
22 qui sont heureux, qui tressaillent d'aise et
se réjouissent quand ils ont trouvé le tombeau ;
23 à
l'homme dont la route est cachée et que Dieu enferme de toutes
parts ?
24 Mes soupirs sont comme mon pain et mes
gémissements se répandent comme l'eau.
25 Ce que je crains,
c'est ce qui m'arrive ; ce que je redoute fond sur moi.
26
Plus de tranquillité, plus de paix, plus de repos, et le trouble m'a
saisi.
— Discours
d'Eliphaz. —
1 Alors Eliphaz
de Théman prit la parole et dit :
2 Si nous risquons un
mot, peut-être en seras-tu affligé ; mais qui pourrait retenir
ses paroles ?
3 Voilà que tu en
as instruit plusieurs, que tu as fortifié les mains débiles,
4
que tes paroles ont relevé ceux qui chancelaient, que tu as raffermi
les genoux vacillants !...
5 Et maintenant que le
malheur vient à toi, tu faiblis ;
maintenant qu'il t'atteint, tu perds courage !...
6 Ta
crainte de Dieu
n'était-elle pas ton espoir ? Ta confiance n'était-elle pas
dans la pureté de ta vie ?
7 Cherche dans ton souvenir :
quel est l'innocent qui a péri ? En quel lieu du
monde les justes ont-ils été
exterminés ?
8 Pour moi, je l'ai vu, ceux qui labourent
l'iniquité et qui sèment l'injustice, en moissonnent les fruits.
9
Au souffle de Dieu ils périssent, ils sont consumés par le vent de
sa colère.
10 Le rugissement du lion et sa voix tonnante sont
étouffés, et les dents du jeune lion sont
brisées ;
11 le lion périt faute de proie, et les petits de
la lionne se dispersent.
12 Une parole est arrivée
furtivement jusqu'à moi, et mon oreille en a saisi le léger
murmure.
13 Dans le vague des visions de la nuit, à l'heure où
un sommeil profond pèse sur les mortels,
14 une frayeur et un
tremblement me saisirent, et agitèrent tous mes os.
15 Un esprit
passait devant moi... Les poils de ma chair se hérissèrent.
16
Il se dressa, — je ne reconnus pas son visage, — comme
un spectre sous mes yeux. Un grand
silence, puis j'entendis une voix :
17 L'homme sera-t-il
juste vis-à-vis de Dieu ? Un mortel sera-t-il pur en face de
son Créateur ?
18 Voici qu'il ne se fie pas à ses
serviteurs, et qu'il découvre des fautes dans ses anges :
19
combien plus en ceux
qui habitent des maisons de boue, qui ont leurs fondements dans la
poussière, qui seront réduits en poudre, comme par la teigne !
20
Du matin au soir ils sont exterminés, et sans que nul y prenne
garde, ils périssent pour jamais.
21 La corde de leur tente est
coupée, ils meurent avant d'avoir connu la sagesse.
1 Appelle donc ! Y aura-t-il quelqu'un qui
te réponde ? Vers lequel des saints te tourneras-tu ?
2
La colère tue l'insensé, et l'emportement fait mourir le fou.
3
J'ai vu l'insensé étendre ses racines, et soudain j'ai maudit sa
demeure.
4 Plus de salut pour ses fils ; on les écrase à la
porte, et personne ne les
défend.
5 L'homme affamé dévore sa moisson, il
franchit la haie d'épines et l'emporte ;
l'homme altéré engloutit ses richesses.
6 Car le malheur ne sort
pas de la poussière, et la souffrance ne germe pas du sol,
7 de
telle sorte que l'homme naisse pour la peine, comme les fils de la
foudre pour élever leur
vol.
8 A ta place, je me tournerais vers Dieu, c'est vers lui
que je dirigerais ma prière.
9 Il fait des choses grandes, qu'on
ne peut sonder ; des prodiges qu'on ne saurait compter.
10 Il
verse la pluie sur la terre, il envoie les eaux sur les campagnes,
11
il exalte ceux qui sont abaissés, et les affligés retrouvent le
bonheur.
12 Il déjoue les projets des perfides, et leurs mains ne
peuvent réaliser leurs complots.
13 Il prend les habiles dans
leur propre ruse, et renverse les conseils des hommes astucieux.
14
Durant le jour, ils rencontrent les ténèbres ; en plein midi,
ils tâtonnent comme dans la nuit.
15 Dieu
sauve le faible du glaive de leur langue, et de la main du
puissant.
16 Alors l'espérance revient au malheureux ; et
l'iniquité ferme la bouche.
17 Heureux l'homme que Dieu
châtie ! Ne méprise donc pas la correction du
Tout-Puissant.
18 Car il fait la blessure, et il la bande ;
il frappe, et sa main guérit.
19 Six fois il te délivrera de
l'angoisse, et, à la septième, le mal ne t'atteindra pas.
20
Dans la famine, il te sauvera de la mort ; dans le combat, des
coups de l'épée.
21 Tu seras à l'abri du fouet de la langue, tu
seras sans crainte quand viendra la dévastation.
22 Tu te riras
de la dévastation et de la famine, tu ne redouteras pas les bêtes
de la terre.
23 Car tu auras une alliance avec les pierres des
champs, et les bêtes de la terre seront en paix avec toi.
24 Tu
verras le bonheur régner sous ta tente ; tu visiteras tes
pâturages, et rien n'y manquera.
25 Tu verras ta postérité
s'accroître, et tes rejetons se multiplier
comme l'herbe des champs.
26 Tu entreras mûr dans le tombeau,
comme une gerbe qu'on enlève en son temps.
27 Voilà ce que
nous avons observé : c'est la vérité ! Ecoute-le, et
fais-en ton profit.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Oh ! S'il était possible de peser
mon affliction, et de mettre toutes ensemble mes calamités dans la
balance !...
3 Elles seraient plus pesantes que le sable de
la mer : voilà pourquoi mes paroles vont jusqu'à la folie.
4
Car les flèches du Tout-Puissant me transpercent, et mon âme en
boit le venin ; les terreurs de Dieu sont rangées en bataille
contre moi.
5 Est-ce que l'onagre rugit auprès de l'herbe
tendre ? Est-ce que le bœuf mugit devant sa pâture ?
6
Comment se nourrir d'un mets fade et sans sel, ou bien trouver du
goût au jus d'une herbe insipide ?
7 Ce que mon âme se
refuse à toucher, c'est là mon pain, tout couvert de souillures.
8
Qui me donnera que mon vœu s'accomplisse, et que Dieu réalise mon
attente !
9 Que Dieu daigne me briser, qu'il laisse aller sa
main et qu'il tranche mes jours !
10
Et qu'il me reste du moins cette consolation, que j'en tressaille
dans les maux dont il m'accable : de n'avoir jamais transgressé
les commandements du Saint !
11 Quelle est ma force, pour que
j'attende ? Quelle est la durée de mes jours, pour que j'aie
patience ?
12 Ma force est-elle la force des pierres, et ma
chair est-elle d'airain ?
13 Ne suis-je pas dénué de tout
secours, et tout espoir de salut ne m'est-il pas enlevé ?
14
Le malheureux a droit à la pitié de son ami, eût-il même
abandonné la crainte du Tout-Puissant.
15 Mes frères ont été
perfides comme le torrent, comme l'eau des torrents qui
s'écoulent.
16 Les glaçons en troublent le
cours, la neige disparaît dans leurs
flots.
17 Au
temps de la sécheresse, ils s'évanouissent ; aux premières
chaleurs, leur lit est desséché.
18 Dans des sentiers divers
leurs eaux se perdent, elles s'évaporent dans les airs, et ils
tarissent.
19 Les caravanes de Théma comptaient sur
eux ; les voyageurs de Saba espéraient
en eux ;
20 ils sont frustrés dans leur attente ;
arrivés sur leurs bords, ils restent confondus.
21 Ainsi vous me
manquez à cette heure ; à la vue de l'infortune, vous fuyez
épouvantés.
22 Vous ai-je dit : « Donnez-moi quelque
chose, faites-moi part de vos biens,
23
délivrez-moi de la main de l'ennemi, arrachez-moi de la main des
brigands ? »
24 Instruisez-moi, et je vous
écouterai en
silence ; faites-moi voir en quoi j'ai failli.
25 Qu'elles
ont de force les paroles équitables ! Mais sur quoi tombe votre
blâme ?
26 Voulez-vous donc censurer des mots ? Les
discours échappés
au désespoir sont la proie du vent.
27 Ah ! Vous jetez le
filet sur un orphelin, vous creusez un
piège à votre ami !
28 Maintenant,
daignez vous retourner vers moi, et vous
verrez si je vous mens en face.
29
Revenez, ne soyez pas injustes ; revenez, et mon innocence
apparaîtra.
30 Y a-t-il de l'iniquité sur ma langue, ou bien mon
palais ne sait-il pas discerner le mal ?
1 La vie de l'homme sur la terre est un temps de
service, et ses jours sont comme ceux du mercenaire.
2 Comme
l'esclave soupire après l'ombre, comme l'ouvrier attend son
salaire,
3 ainsi j'ai eu en partage des mois de douleur, pour mon
lot, des nuits de souffrance.
4 Si je me couche, je dis :
« Quand me lèverai-je ? Quand finira la nuit ? »
et je suis rassasié d'angoisses jusqu'au jour.
5 Ma chair se
couvre de vers et d'une croûte terreuse, ma peau se gerce et
coule.
6 Mes jours passent plus rapides que la navette, ils
s'évanouissent : plus d'espérance !
7 O
Dieu, souviens-toi que ma vie n'est qu'un
souffle ! Mes yeux ne reverront pas le bonheur.
8 L'œil qui
me regarde ne m'apercevra plus ; ton œil me cherchera, et je ne
serai plus.
9 Le nuage se dissipe et passe ; ainsi celui qui
descend au schéol ne remontera plus ;
10 il ne retournera
plus dans sa maison ; le lieu qu'il habitait
ne le reconnaîtra plus.
11 C'est pourquoi je ne retiendrai
pas ma langue, je parlerai dans l'angoisse de mon esprit, j'exhalerai
mes plaintes dans l'amertume de mon âme.
12 Suis-je la mer ou un
monstre marin, pour que tu poses une barrière autour de moi ?
13
Quand je dis : « Mon lit me soulagera, ma couche calmera
mes soupirs, »
14 alors tu m'effraies par des songes, tu
m'épouvantes par des visions.
15 Ah ! Mon âme préfère la
mort violente, mes os appellent le trépas.
16 Je suis en proie à
la dissolution, la vie m'échappe pour jamais ; laisse-moi, car
mes jours ne sont qu'un souffle.
17 Qu'est-ce que l'homme, pour
que tu en fasses tant d'estime, que tu daignes t'occuper de lui,
18
que tu le visites chaque matin, et qu'à chaque instant tu
l'éprouves ?
19 Quand cesseras-ru d'avoir le regard sur
moi ? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive ?
20
Si j'ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ?
Pourquoi me mettre en butte à tes traits, et me rendre à charge à
moi-même ?
21 Que ne pardonnes-tu mon offense ? Que
n'oublies-tu mon iniquité ? Car bientôt je dormirai dans la
poussière ; tu me chercheras, et je ne serai plus.
— Discours de
Baldad. —
1 Alors Baldad de
Suhé prit la parole et dit :
2 Jusques à quand
tiendras-tu ces discours, et tes paroles seront-elles comme un
souffle de tempête ?
3 Est-ce que Dieu fait fléchir le
droit, ou bien le Tout-Puissant renverse-t-il la justice ?
4
Si tes fils ont péché contre lui, il les a livrés aux mains de
leur iniquité.
5 Pour toi, si tu as recours à Dieu, si tu
implores le Tout-Puissant,
6 si tu es droit et pur, alors il
veillera sur toi, il rendra le bonheur à la demeure de ta
justice ;
7 ton premier état semblera peu de chose, tant le
second sera florissant.
8 Interroge les générations passées,
sois attentif à l'expérience des pères : —
9 car
nous sommes d'hier, et nous ne savons rien,
nos jours sur la terre passent
comme l'ombre ; —
10 ne vont-ils pas t'enseigner, te
parler, et de leur cœur tirer des sentences :
11 « Le
papyrus croît-il en dehors des marais ? Le jonc s'élève-t-il
sans eau ?
12 Encore tendre, sans qu'on le coupe, il sèche
avant toute herbe.
13 Telles sont les voies de tous ceux qui
oublient Dieu ; l'espérance de l'impie périra.
14 Sa
confiance sera brisée ; son assurance ressemble
à la toile de l'araignée.
15 Il s'appuie sur sa maison, et elle
ne tient pas ; il s'y attache, et elle ne reste pas debout.
16
Il est plein de vigueur, au soleil, ses rameaux s'étendent sur son
jardin,
17 ses racines s'entrelacent parmi les pierres, il plonge
jusqu'aux profondeurs du roc.
18 Si Dieu
l'arrache de sa place, sa place
le renie : Je ne t'ai jamais vu.
19 C'est là que sa joie se
termine, et du même
sol d'autres s'élèveront après lui. »
20
Non, Dieu ne rejette pas l'innocent, il ne prend pas la main des
malfaiteurs.
21 Il remplira ta bouche d'éclats de rire, et mettra
sur tes lèvres des chants d'allégresse.
22 Tes ennemis seront
couverts de honte, et la tente des méchants disparaîtra.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Je sais bien qu'il en est ainsi :
comment l'homme serait-il juste vis-à-vis de Dieu ?
3 S'il
voulait contester avec lui, sur mille choses il ne pourrait répondre
à une seule.
4 Dieu est
sage en son cœur, et puissant en force : qui lui a résisté,
et est demeuré en paix ?
5 Il transporte les montagnes, sans
qu'elles le sachent, il les renverse dans sa colère ;
6 il
secoue la terre sur sa base, et ses colonnes sont ébranlées.
7
Il commande au soleil, et le soleil
ne se lève pas ; il met un sceau sur les étoiles.
8 Seul,
il étend les cieux, il marche sur les hauteurs de la mer.
9 Il a
créé la Grande Ourse, Orion, les Pléiades, et les régions du ciel
austral.
10 Il fait des merveilles qu'on ne peut sonder, des
prodiges qu'on ne saurait compter.
11 Voici qu'il passe près de
moi, et je ne le vois pas ; il s'éloigne, sans que je
l'aperçoive.
12 S'il ravit une proie,
qui s'y opposera, qui lui dira : « Que fais-tu ? »
13
Dieu ! Rien ne fléchit sa colère ; devant lui s'inclinent
les légions d'orgueil.
14 Et moi je songerais à lui répondre, à
choisir mes paroles pour discuter
avec lui !
15 Aurais-je pour moi la justice, je ne répondrais
pas ; j'implorerais la clémence de mon juge.
16 Même s'il
se rendait à mon appel, je ne croirais pas qu'il eût écouté ma
voix :
17 lui qui me brise comme dans un tourbillon, et
multiplie mes blessures sans motif ;
18 qui ne me laisse
point respirer, et me rassasie d'amertume.
19 S'agit-il de force,
voici qu'il est fort, s'agit-il de droit, il
dit : « Qui m'assigne ? »
20
Serais-je irréprochable, ma bouche même
me condamnerait ; serais-je innocent, elle me déclarerait
pervers.
21 Innocent ! Je le suis ; je ne tiens pas
à l'existence, et la vie m'est à charge.
22 Il m'importe après
tout ; c'est pourquoi j'ai dit :
« Il fait périr également le juste et l'impie. »
23
Si du moins le fléau
tuait d'un seul coup ! Hélas !
il se rit des épreuves de l'innocent !
24 La terre est
livrée aux mains du méchant, Dieu
voile la face de ses juges : si ce n'est pas lui, qui est-ce
donc ?
25 Mes jours sont plus rapides qu'un courrier, ils
fuient sans avoir vu le bonheur ;
26 ils passent comme la
barque de jonc, comme l'aigle qui fond sur sa proie.
27 Si je
dis : « Je veux oublier ma plainte, quitter mon air
triste, prendre un air joyeux, »
28 je tremble pour toutes
mes douleurs, je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent.
29
Je serai jugé coupable : pourquoi prendre une peine
inutile ?
30 Quand je me laverais dans la neige, quand je
purifierais mes mains avec le bor,
31 tu me plongerais dans la
fange, et mes vêtements m'auraient en horreur.
32 Dieu
n'est pas un homme comme moi, pour que je lui réponde, pour que nous
comparaissions ensemble en justice.
33 Il n'y a pas entre nous
d'arbitre qui pose sa main sur nous deux.
34 Qu'il retire sa verge
de dessus moi, que ses terreurs cessent de m'épouvanter :
35
alors je parlerai sans le craindre ; autrement, je ne suis point
à moi-même.
1 Mon âme est lasse de la vie ; je donnerai
libre cours à ma plainte, je parlerai dans l'amertume de mon cœur.
2
Je dis à Dieu : Ne me condamne point ; apprends-moi sur
quoi tu me prends à partie.
3 Trouves-tu du plaisir à opprimer,
à repousser l'œuvre de tes mains, à faire luire ta
faveur sur le conseil des méchants ?
4
As-tu des yeux de chair, ou bien vois-tu comme voient les hommes ?
5
Tes jours sont-ils comme les jours de l'homme, ou bien tes années
comme les années d'un mortel,
6 pour que tu recherches mon
iniquité, pour que tu poursuives mon péché,
7 quand tu sais que
je ne suis pas coupable, et que nul ne peut me délivrer de ta
main ?
8 Tes mains m'ont formé et façonné, tout
entier, et tu voudrais me détruire !
9 Souviens-toi que tu
m'as pétri comme l'argile : et tu me ramènerais à la
poussière !
10 Ne m'as-tu pas coulé comme le lait, et
coagulé comme le fromage ?
11 Tu m'as revêtu de peau et de
chair, tu m'as tissé d'os et de nerfs.
12 Avec la vie, tu m'as
accordé ta faveur, et ta providence a gardé mon âme.
13 Et
pourtant, voilà ce que tu cachais dans ton
cœur : Je vois bien ce que tu méditais.
14 Si je pèche, tu
m'observes, tu ne me pardonnes pas mon iniquité.
15 Suis-je
coupable, malheur à moi ! Suis-je innocent, je n'ose lever la
tête, rassasié de honte, et voyant ma misère.
16 Si je me
relève, tu me poursuis comme un lion, tu recommences à me
tourmenter étrangement,
17 tu m'opposes de nouveaux témoins ;
tu redoubles de fureur contre moi, des troupes de rechange viennent
m'assaillir.
18 Pourquoi m'as-tu tiré du sein de ma mère ?
Je serais mort, et aucun œil ne m'aurait vu.
19 Je serais comme
si je n'eusse jamais été, du sein maternel j'aurais été porté au
sépulcre.
20 Mes jours ne sont-ils pas bien courts ? Qu'il
me laisse ! Qu'il se retire et que je respire un instant,
21
avant que je m'en aille, pour ne plus revenir, dans la région des
ténèbres et de l'ombre de la mort,
22 morne et sombre région,
où règnent l'ombre
de la mort et le chaos, où la clarté est pareille aux ténèbres.
— Discours de
Sophar. —
1 Alors Sophar de
Naama prit la parole et dit :
2 La multitude des paroles
restera-t-elle sans réponse, et le bavard aura-t-il raison ?
3
Tes vains propos feront-ils taire les gens ? Te moqueras-tu,
sans que personne te confonde ?
4 Tu as dit à
Dieu : « Ma pensée est la vraie,
et je suis irréprochable devant toi. »
5 Oh ! Si Dieu
voulait parler, s'il ouvrait les lèvres pour te répondre ;
6
s'il te révélait les secrets de sa
sagesse, les replis cachés de ses desseins, tu verrais alors qu'il
oublie une part de tes crimes.
7 Prétends-tu sonder les
profondeurs de Dieu, atteindre la perfection du Tout-Puissant ?
8
Elle est haute comme les cieux : que feras-tu ? Plus
profonde que le séjour des morts : que sauras-tu ?
9 Sa
mesure est plus longue que la terre, elle est plus large que la
mer.
10 S'il fond sur le coupable,
s'il l'arrête, s'il convoque le tribunal, qui s'y opposera ?
11
Car il connaît les pervers, il découvre l'iniquité avant qu'elle
s'en doute.
12 A cette vue,
le fou même comprendrait, et le petit de l'onagre deviendrait
raisonnable.
13 Pour toi, si tu diriges ton cœur vers
Dieu, et que tu étendes vers lui tes
bras,
14 si tu éloignes l'iniquité qui est dans tes mains, et
que tu ne laisses pas l'injustice habiter sous ta tente,
15 alors
tu lèveras ton front sans tache, tu seras inébranlable et tu ne
craindras plus.
16 Tu oublieras alors tes
souffrances, tu t'en souviendras comme des eaux écoulées ;
17
L'avenir se lèvera pour toi plus brillant que le midi, les ténèbres
se changeront en aurore.
18 Tu seras plein de confiance, et ton
attente ne sera pas veine ; tu regarderas autour de toi, et tu
te coucheras tranquille.
19 Tu reposeras, sans que personne
t'inquiète, et
plusieurs caresseront ton visage.
20 Mais les yeux des méchants
se consumeront : pour eux, point de refuge ; leur espérance
est le souffle d'un mourant.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Vraiment vous êtes aussi
sages que tout un peuple, et avec vous
mourra la sagesse !
3 Moi aussi, j'ai de l'intelligence
comme vous, je ne vous le cède en rien, et qui ne sait les choses
que vous dites ?
4 Je suis la risée de mes amis, moi
qui invoquais Dieu et à qui
Dieu répondait ; leur
risée, moi le
juste, l'innocent !...
5 Honte au malheur ! C'est la
devise des heureux ; le mépris attend celui dont le pied
chancelle.
6 La paix cependant règne sous la tente des brigands,
la sécurité pour ceux qui provoquent Dieu, et qui n'ont d'autre
dieu que leur bras.
7 Mais, de grâce, interroge les bêtes,
et elles t'instruiront, les oiseaux du ciel, et ils te
l'apprendront ;
8 ou bien parle à la terre, et elle
t'enseignera ; les poissons même
de la mer te le raconteront.
9 Qui ne sait, parmi tous ces êtres,
que la main de Yahweh a fait ces choses,
10 qu'il tient dans sa
main l'âme de tout ce qui vit, et le souffle de tous les
humains ?
11 L'oreille ne discerne-t-elle pas les paroles,
comme le palais savoure les aliments ?
12 Aux cheveux blancs
appartient la sagesse, la prudence est le
fruit des longs jours.
13 En Dieu
résident la sagesse et la puissance, à lui le conseil et
l'intelligence.
14 Voici qu'il renverse et l'on ne rebâtit pas ;
il ferme la porte
sur l'homme, et on ne lui
ouvre pas.
15 Voici qu'il arrête les eaux, elles tarissent ;
il les lâche, elles bouleversent la terre.
16 A lui la force et
la prudence, à lui celui qui est égaré et celui qui égare.
17
Il emmène captifs les conseillers des
peuples, et il ôte le sens aux juges.
18
Il délie la ceinture des rois, et ceint leurs reins d'une corde.
19
Il traîne les prêtres en captivité, et renverse les puissants.
20
Il ôte la parole aux hommes les plus habiles, et il enlève le
jugement aux vieillards.
21 Il verse le mépris sur les nobles, et
il relâche la ceinture des forts.
22 Il met à découvert les
choses cachées dans les ténèbres, et produit à la lumière
l'ombre de la mort.
23 Il fait croître les nations, et il les
anéantit ; il les étend et il les resserre.
24 Il ôte
l'intelligence aux chefs des peuples de la terre, et les égare dans
des déserts sans chemin ;
25 ils tâtonnent dans les
ténèbres, loin de la lumière ; il les fait errer comme un
homme ivre.
1 Voilà que mon œil a vu tout cela, mon oreille
l'a entendu et compris.
2 Ce que vous savez, moi aussi je le sais,
je ne vous suis en rien inférieur.
3 Mais je veux parler au
Tout-Puissant, je veux plaider ma cause
avec Dieu.
4 Car vous n'êtes que des charlatans, vous êtes tous
des médecins inutiles.
5 Que ne gardiez-vous le silence ! Il
vous eût tenu lieu de sagesse.
6 Ecoutez, je vous prie, ma
défense, soyez attentifs au plaidoyer de mes lèvres.
7
Parlerez-vous mensonge en faveur de Dieu, pour lui, parlerez-vous
tromperie ?
8 Ferez-vous pour Dieu acception de personnes,
vous constituerez-vous avocats ?
9 Vous en saura-t-il gré,
s'il sonde vos cœurs ?
Le tromperez-vous comme on trompe un homme ?
10 Certainement
il vous condamnera, si vous faites en secret acception de
personnes.
11 Oui, sa majesté vous épouvantera, ses terreurs
tomberont sur vous.
12 Vos arguments sont des raisons de
poussière, vos forteresses sont des forteresses d'argile.
13
Taisez-vous, laissez-moi, je veux parler ; il m'en arrivera ce
qu'il pourra.
14 Je veux prendre ma chair entre les dents, je veux
mettre mon âme dans ma main.
15 Quand il me tuerait, que je
n'aurais rien à espérer, je défendrai devant lui ma conduite.
16
Mais il sera mon salut, car l'impie ne saurait paraître en sa
présence.
17 Ecoutez donc mes paroles, prêtez l'oreille à mon
discours.
18 Voici que j'ai préparé ma
cause, je sais que je serai justifié.
19 Est-il quelqu'un qui
veuille plaider contre moi ? A l'instant même je veux me taire
et mourir.
20 Seulement épargne-moi deux choses, ô
Dieu, et je ne me cacherai pas devant ta
face :
21 éloigne ta main de dessus moi, et que tes terreurs
ne m'épouvantent plus.
22 Après cela,
appelle, et je répondrai ; ou bien je parlerai d'abord, et tu
me répondras.
23 Quel est le nombre de mes iniquités et de
mes péchés ? Fais-moi connaître mes transgressions et mes
offenses.
24 Pourquoi cacher ainsi
ton visage, et me regarder comme ton ennemi !
25 Veux-tu donc
effrayer une feuille agitée par le vent,
poursuivre une paille desséchée,
26 pour que tu écrives contre
moi des choses amères, pour que tu m'imputes les fautes de ma
jeunesse,
27 pour que tu mettes mes pieds dans les ceps, que tu
observes toutes mes démarches, que tu traces une limite à la plante
de mes pieds,
28 alors que mon corps
se consume comme un bois
vermoulu, comme un vêtement que dévore la teigne.
1 L'homme né de la femme vit peu de jours, et il
est rassasié de misères.
2 Comme la fleur, il naît, et on le
coupe ; il fuit comme l'ombre, sans s'arrêter.
3 Et c'est
sur lui que tu as l'œil ouvert, lui que tu amènes en justice avec
toi !
4 Qui peut tirer le pur de l'impur ? Personne.
5
Si les jours de l'homme
sont comptés, si tu as fixé le nombre de ses mois, si tu as posé
un terme qu'il ne doit pas franchir,
6 détourne de lui tes yeux
pour qu'il se repose, jusqu'à ce qu'il goûte, comme le mercenaire,
la fin de sa journée.
7 Un arbre a de l'espérance :
coupé, il peut verdir encore, il ne cesse pas d'avoir
des rejetons.
8 Que sa racine ait vieilli dans la terre, que son
tronc soit mort dans la poussière,
9 dès qu'il sent l'eau, il
reverdit, il pousse des branches comme un jeune plant.
10 Mais
l'homme meurt, et il reste étendu ; quand il a expiré, où
est-il ?
11 Les eaux du lac disparaissent, le fleuve tarit et
se dessèche :
12 ainsi l'homme se couche et ne se relève
plus, il ne se réveillera pas tant que subsistera le ciel, on ne le
fera pas sortir de son sommeil.
13 Oh ! Si tu voulais me
cacher dans le séjour des morts, m'y tenir à couvert jusqu'à ce
que ta colère ait passé, me fixer un terme où tu te souviendrais
de moi !
14 Si l'homme une fois mort pouvait revivre! Tout le
temps de mon service j'attendrais qu'on vînt me relever.
15 Tu
m'appellerais alors,
et moi je te répondrais ; tu languirais après l'ouvrage de tes
mains.
16 Mais hélas !
Maintenant, tu comptes mes pas, tu as l'œil ouvert sur mes
péchés ;
17 mes transgressions sont scellées dans une
bourse, et tu mets un enduit sur mes iniquités.
18 La
montagne s'écroule et s'efface ; le rocher est transporté hors
de sa place ;
19 les eaux creusent la pierre, leurs flots
débordés entraînent la poussière du sol : ainsi tu anéantis
l'espérance de l'homme.
20 Tu l'abats sans retour, et il s'en
va ; tu flétris son visage, et tu le congédies.
21 Que ses
enfants soient honorés, il n'en sait rien ; qu'ils soient dans
l'abaissement, il l'ignore.
22 Sa chair ne sent que ses propres
souffrances, son âme ne gémit que sur elle-même.
— Discours
d'Eliphaz. —
1 Alors Eliphaz
de Théman prit la parole et dit :
2 Le sage répond-il
par une science vaine ? Se gonfle-t-il la poitrine de vent ?
3
Se défend-il par de futiles propos, par des discours qui ne servent
à rien ?
4 Toi, tu détruis même la crainte de
Dieu, tu anéantis toute piété envers
Dieu.
5 Ta bouche révèle ton iniquité, et tu prends le langage
les fourbes.
6 Ce n'est pas moi, c'est ta bouche qui te condamne,
ce sont tes lèvres qui déposent contre toi.
7 Es-tu né le
premier des hommes ? As-tu été enfanté avant les collines ?
8
As-tu assisté au conseil de Dieu ? As-tu dérobé pour toi seul
la sagesse ?
9 Que sais-tu, que nous ne sachions ?
Qu'as-tu appris, qui ne nous soit familier ?
10 Nous avons
aussi parmi nous des cheveux blancs, des vieillards plus riches de
jours que ton père.
11 Tiens-tu pour peu de chose les
consolations de Dieu et les douces paroles que nous t'adressons ?
12
Où ton cœur t'emporte-t-il, et que signifie ce roulement de tes
yeux ?
13 Quoi ! C'est contre Dieu que tu tournes ta
colère, et que de ta bouche tu fais sortir de
tels discours ?
14 Qu'est-ce que
l'homme, pour qu'il soit pur, le fils de la femme, pour qu'il soit
juste ?
15 Voici que Dieu
ne se fie pas même à ses saints, et les cieux ne sont pas purs
devant lui :
16 combien moins cet être
abominable et pervers, l'homme qui boit l'iniquité comme l'eau !
17
Je vais t'instruire, écoute-moi ; je raconterai ce que j'ai
vu,
18 ce que les sages enseignent, — ils ne le cachent
pas, l'ayant appris
de leurs pères ;
19 à eux seuls avait été donné le pays,
et parmi eux jamais ne passa l'étranger. —
20 « Le
méchant, durant tous ses jours, est rongé par l'angoisse ; un
petit nombre d'années sont réservées à l'oppresseur.
21 Des
bruits effrayants retentissent
à ses oreilles ; au sein de la paix, le dévastateur fond sur
lui.
22 Il n'espère pas échapper aux ténèbres, il sent
qu'il est guetté pour le glaive.
23 Il
erre pour chercher son pain ; il sait que le jour des ténèbres
est prêt, à ses côtés.
24 La détresse et l'angoisse tombent
sur lui ; elles l'assaillent comme un roi armé pour le
combat.
25 Car il a levé sa main contre Dieu, il a bravé le
Tout-Puissant,
26 il a couru sur lui le cou raide, sous le dos
épais de ses boucliers.
27 Il avait le visage couvert de graisse,
et les flancs chargés d'embonpoint.
28 Il occupait des villes qui
ne sont plus, des maisons qui n'ont plus d'habitants, vouées à
devenir des monceaux de pierre.
29 Il ne s'enrichira plus, sa
fortune ne tiendra pas, ses possessions ne s'étendront plus sur la
terre.
30 Il n'échappera pas aux ténèbres ; la flamme
desséchera ses rejetons, et il sera emporté par le souffle de la
bouche de Dieu.
31
Qu'il n'espère rien du mensonge, il y sera pris ; le mensonge
sera sa récompense.
32 Elle arrivera avant que
ses jours soient pleins,
et son rameau ne verdira plus.
33 Il secouera, comme la vigne, son
fruit à peine éclos ; il laissera tomber sa fleur, comme
l'olivier.
34 Car la maison de l'impie est stérile, et le feu
dévore la tente du juge corrompu.
35 Il a conçu le mal, et il
enfante le malheur, dans son sein mûrit un fruit de déception. »
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 J'ai souvent entendu de semblables
harangues ; vous êtes tous d'insupportables consolateurs.
3
Quand finiront ces vains discours ? Quel aiguillon t'excite à
répliquer ?
4 Moi aussi, je saurais parler comme vous, si
vous étiez à ma place ; j'arrangerais de beaux discours à
votre adresse, je secouerais la tête sur vous ;
5 je vous
encouragerais de la bouche, et vous auriez pour soulagement
l'agitation de mes lèvres.
6 Si je parle, ma douleur n'est
pas adoucie ; si je me tais, en est-elle soulagée ?
7
Aujourd'hui, hélas ! Dieu
a épuisé mes forces... ô Dieu,
tu as moissonné tous mes proches.
8 Tu me garrottes... c'est un
témoignage contre moi !...
ma maigreur se lève contre moi, en face elle m'accuse.
9 Sa
colère me déchire et me poursuit, il grince des dents contre moi ;
mon ennemi darde sur moi ses regards.
10 Ils ouvrent leur bouche
pour me dévorer,
ils me frappent la joue avec outrage, ils se liguent tous ensemble
pour me perdre.
11
Dieu m'a livré au pervers, il m'a jeté entre les mains des
méchants.
12 J'étais en paix, et il m'a secoué, il m'a saisi
par la nuque, et il m'a brisé. Il m'a posé en but à ses traits,
13
ses flèches volent autour de moi ; il perce mes flancs sans
pitié, il répand mes entrailles sur la terre ;
14 il me
fait brèche sur brèche, il fond sur moi comme un géant.
15 J'ai
cousu un sac sur ma peau, et j'ai roulé mon front dans la
poussière.
16 Mon visage est tout rouge de larmes, et l'ombre de
la mort s'étend sur
mes paupières,
17 quoiqu'il n'y ait pas d'iniquités dans mes
mains, et que ma prière soit pure.
18 O terre, ne couvre
point mon sang, et que mes cris s'élèvent librement !
19 A
cette heure même, voici que j'ai
mon témoin dans le ciel, mon défenseur dans les hauts lieux.
20
Mes amis se moquent de moi, c'est vers Dieu que pleurent mes yeux.
21
Qu'il juge lui-même entre Dieu et l'homme, entre le fils de l'homme
et son semblable !
22 Car les années qui me
sont comptés s'écoulent, et j'entre dans un sentier d'où je ne
reviendrai pas.
1 Mon souffle s'épuise, mes jours s'éteignent,
il ne me reste plus que
le tombeau.
2 Je suis environné de moqueurs, mon œil veille
au milieu de leurs outrages.
3 O Dieu,
fais-toi auprès de toi-même ma caution : quel autre voudrait
me frapper dans la main ?
4 Car tu as fermé leur cœur à la
sagesse ; ne permets donc pas qu'ils s'élèvent.
5 Tel
invite ses amis au
partage, quand défaillent les yeux de ses enfants.
6 Il a fait de
moi la risée des peuples ; je suis l'homme
à qui l'on crache au visage.
7 Mon œil est voilé par le
chagrin, et tous mes membres ne sont plus qu'une ombre.
8 Les
hommes droits en
sont stupéfaits, et l'innocent s'irrite contre l'impie.
9 Le
juste néanmoins demeure ferme dans sa voie, et qui a les mains pures
redouble de courage.
10 Mais vous tous, revenez, venez donc ;
ne trouverai-je pas un sage parmi vous ?
11 Mes jours sont
écoulés, mes projets anéantis, ces projets que
caressait mon cœur.
12 De la nuit ils
font le jour ; en face des ténèbres, ils
disent que la lumière est proche !
13
J'ai beau attendre, le schéol est ma demeure ; dans les
ténèbres j'ai disposé ma couche.
14 J'ai dit à la fosse :
« Tu es mon père ; » aux vers : « Vous
êtes ma mère et ma sœur ! »
15 Où est donc mon
espérance ? Mon espérance, qui peut la voir ?
16 Elle
est descendue aux portes du schéol, si du moins dans la poussière
on trouve du repos !...
— Discours de
Baldad. —
1 Alors Baldad de
Suhé prit la parole et dit :
2 Quand donc mettrez-vous
un terme à ces discours ? Ayez de l'intelligence, puis nous
parlerons.
3 Pourquoi nous regardez-vous comme des brutes, et
sommes-nous stupides à vos yeux ?
4 Toi qui te déchires
dans ta fureur, veux-tu qu'à
cause de toi la terre devienne déserte, que le rocher soit
transporté hors de sa place ?
5 Oui, la lumière du
méchant s'éteindra, et la flamme de son foyer cessera de briller.
6
Le jour s'obscurcira sous sa tente, sa lampe s'éteindra au-dessus de
lui.
7 Ses pas si fermes seront à l'étroit, son propre conseil
précipite sa chute.
8 Ses pieds le jettent dans les rets, il
marche sur le piège.
9 Le filet saisit ses
talons ; il est serré dans ses nœuds.
10 Pour
lui les lacs sont cachés sous terre, et la
trappe est sur son sentier.
11 De tous côtés des terreurs
l'assiègent, et le poursuivent pas à pas.
12 La disette est son
châtiment, et la ruine est prête pour sa chute.
13 La peau de
ses membres est dévorée ; ses membres sont dévorés par le
premier-né de la mort.
14 Il est arraché de sa tente, où il
se croyait en sûreté ; on le traîne
vers le Roi des frayeurs.
15 Nul des siens n'habite dans sa tente,
le soufre est semé sur sa demeure.
16 En bas, ses racines se
dessèchent, en haut, ses rameaux sont coupés.
17 Sa mémoire a
disparu de la terre, il n'a plus de nom dans la contrée.
18 On le
chasse de la lumière dans les ténèbres, on le bannit de
l'univers.
19 Il ne laisse
ni descendance ni postérité dans sa tribu ; aucun survivant
dans son séjour.
20 Les peuples de l'Occident sont stupéfaits de
sa ruine, et ceux de l'Orient en sont saisis d'horreur.
21
Telle est la demeure de l'impie, telle est la place de l'homme
qui ne connaît pas Dieu.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Jusques à quand affligerez-vous mon
âme, et m'accablerez-vous de vos discours ?
3 Voilà dix
fois que vous m'insultez, que vous m'outragez sans pudeur.
4 Quand
même j'aurais failli, c'est avec moi que demeure ma faute.
5 Mais
vous, qui vous élevez contre moi, qui invoquez mon opprobre pour me
convaincre,
6 sachez enfin que c'est Dieu qui m'opprime, et qui
m'enveloppe de son filet.
7 Voici que je crie à la violence,
et nul ne me répond ! J'en appelle, et point de justice !
8
Il m'a barré le chemin, et je ne puis passer : il a répandu
les ténèbres sur mes sentiers.
9 Il m'a dépouillé de ma
gloire, il a enlevé la couronne de ma tête.
10 Il m'a sapé tout
à l'entour, et je tombe ; il a déraciné, comme un arbre, mon
espérance.
11 Sa colère s'est allumée contre moi ; il m'a
traité comme ses ennemis.
12 Ses bataillons sont venus ensemble,
ils se sont frayés un chemin jusqu'à moi, ils font le siège de ma
tente.
13 Il a éloigné de moi mes frères ; mes amis se
sont détournés de moi.
14 Mes proches m'ont abandonné, mes
intimes m'ont oublié.
15 Les hôtes de ma maison et mes servantes
me traitent comme un étranger ; je suis un inconnu à leurs
yeux.
16 J'appelle mon serviteur, et il ne me répond pas ;
je suis réduit à le supplier de ma bouche.
17 Ma femme a horreur
de mon haleine, je demande grâce aux fils de mon sein.
18 Les
enfants eux-mêmes me méprisent ; si je me lève, ils me
raillent.
19 Tous ceux qui étaient mes confidents m'ont en
horreur, ceux que j'aimais se tournent contre moi.
20 Mes os sont
attachés à ma peau et à ma chair, je me suis échappé avec la
peau de mes dents.
21 Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous du
moins, mes amis, car la main de Dieu m'a frappé !
22
Pourquoi me poursuivez-vous, comme Dieu me
poursuit ? Pourquoi
êtes-vous insatiables de ma chair ?
23 Oh ! Qui me
donnera que mes paroles soient écrites ! Qui me donnera
qu'elles soient consignées dans un livre,
24 qu'avec un burin de
fer et du plomb, elles soient pour toujours gravées dans le roc !
25
Je sais que mon vengeur est vivant, et qu'il se lèvera le dernier
sur la poussière.
26 Alors
de ce squelette, revêtu de sa peau, de ma chair je verrai Dieu.
27
Moi-même je le verrai ; mes yeux le verront, et non un autre ;
mes reins se consument d'attente au-dedans de moi.
28 Vous
direz alors : « Pourquoi le poursuivions-nous ? »
et la justice de ma cause sera reconnue.
29 Ce
jour-là, craignez pour vous le glaive :
terribles sont les vengeances du glaive ! Et vous saurez qu'il y
a une justice.
— Discours de
Sophar. —
1 Alors Sophar de
Naama prit la parole et dit :
2 C'est pourquoi mes
pensées me suggèrent une réponse, et, à cause de
mon agitation, j'ai hâte de
la donner.
3 J'ai entendu des reproches
qui m'outragent ; dans mon intelligence, mon
esprit trouvera la réplique.
4 Sais-tu bien que, de tout
temps, depuis que l'homme a été placé sur la terre,
5 le
triomphe des méchants a été court, et la joie de l'impie d'un
moment ?
6 Quand il porterait son orgueil jusqu'au ciel, et
que sa tête toucherait aux nues,
7 comme son ordure, il périt
pour toujours ; ceux qui le voyaient disent : « Où
est-il ? »
8 Il s'envole comme un songe, et on ne le
trouve plus ; il s'efface comme une vision de la nuit.
9
L'œil qui le voyait ne le découvre plus ; sa demeure ne
l'apercevra plus.
10 Ses enfants imploreront les pauvres, de ses
propres mains il restituera ses rapines.
11 Ses os étaient pleins
de ses iniquités cachées ; elles dormiront avec lui dans la
poussière.
12 Parce que le mal a été doux à sa bouche, qu'il
l'a caché sous sa langue,
13 qu'il l'a savouré sans
l'abandonner, et l'a retenu au milieu de son palais :
14 sa
nourriture tournera en poison
dans ses entrailles, elle deviendra dans son sein le venin de
l'aspic.
15 Il a englouti des richesses, il les vomira ; Dieu
les retirera de son ventre.
16 Il a sucé le venin de l'aspic, la
langue de la vipère le tuera.
17 Il ne verra jamais couler les
fleuves, les torrents de miel et de lait.
18 Il rendra ce qu'il a
gagné et ne s'en gorgera pas, dans la mesure de ses profits, et il
n'en jouira pas.
19 Car il a opprimé et
délaissé les pauvres, il a saccagé leur maison, et ne l'a point
rétablie :
20 son avidité n'a pu être rassasiée, il
n'emportera pas ce qu'il a de plus cher.
21 Rien n'échappait à
sa voracité ; aussi son bonheur ne subsistera pas.
22 Au
sein de l'abondance, il tombe dans la disette ; tous les coups
du malheur viennent sur lui.
23 Voici pour lui remplir le ventre :
Dieu enverra sur lui
le feu de sa colère, elle pleuvra sur lui jusqu'en
ses entrailles.
24 S'il échappe aux armes de fer, l'arc d'airain
le transperce.
25 Il arrache le trait,
il sort de son corps, l'acier sort étincelant de son foie ; les
terreurs de la mort
tombent sur lui.
26 Une nuit profonde engloutit ses trésors ;
un feu que l'homme
n'a pas allumé le dévore, et consume tout ce qui restait dans sa
tente.
27 Les cieux révéleront son iniquité, et la terre
s'élèvera contre lui.
28 L'abondance de sa maison sera
dispersée, elle disparaîtra au jour de la colère.
29 Telle
est la part que Dieu réserve au méchant, et l'héritage que lui
destine Dieu.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Ecoutez, écoutez mes paroles, que
j'aie, du moins, cette consolation de vous.
3 Permettez-moi de
parler à mon tour,
et, quand j'aurai parlé, vous pourrez vous moquer.
4 Est-ce
contre un homme que se porte
ma plainte ? Comment donc la patience ne m'échapperait elle
pas ?
5 Regardez-moi et soyez dans la stupeur, et mettez la
main sur votre bouche.
6 Quand j'y pense, je frémis ; et un
frissonnement saisit ma chair.
7 Pourquoi les méchants
vivent-ils, et vieillissent-ils, accroissant leur
force ?
8 Leur postérité s'affermit autour d'eux, leurs
rejetons fleurissent
à leurs yeux.
9 Leur maison est en paix, à
l'abri de la crainte ; la verge de Dieu
ne les touche pas.
10 Leur taureau est toujours fécond, leur
génisse enfante et n'avorte pas.
11 Ils laissent courir
leurs enfants comme un troupeau, leurs nouveau-nés bondissent autour
d'eux.
12 Ils chantent au son du
tambourin et de la cithare, ils se divertissent au son du
chalumeau.
13 Ils passent leurs jours dans le bonheur, et ils
descendent en un instant au schéol.
14 Pourtant ils disaient à
Dieu : « Retire-toi de nous ; nous ne désirons pas
connaître tes voies.
15 Qu'est-ce que le Tout-Puissant, pour que
nous le servions ? Que gagnerions-nous à le prier ? »
16
Leur prospérité n'est-elle pas dans leur main ? — Toutefois,
loin de moi le conseil de l'impie ! —
17 Voit-on
souvent s'éteindre la lampe des impies, la ruine fondre sur eux, et
Dieu leur assigner
un lot dans sa colère ?
18 Les
voit-on comme la paille emportée
par le vent, comme la glume enlevée par le tourbillon ?
19
« Dieu, dites-vous,
réserve à ses enfants son châtiment !... » Mais que
Dieu le punisse lui-même pour qu'il le sente,
20 qu'il voie de
ses yeux sa ruine, qu'il boive lui-même la colère du
Tout-Puissant !
21 Que lui importe, en effet, sa maison après
lui, une fois que le nombre de ses mois est tranché ?
22
Est-ce à Dieu qu'on apprendra la sagesse, à lui qui juge les êtres
les plus élevés ?
23 L'un meurt au sein de sa prospérité,
parfaitement heureux et tranquille,
24 les flancs chargés de
graisse, et la moelle des os remplie de sève.
25 L'autre meurt,
l'amertume dans l'âme, sans avoir goûté le bonheur.
26 Tous
deux se couchent également dans la poussière, et les vers les
couvrent tous deux.
27
Ah ! Je sais bien quelles sont vos pensées, quels jugements
iniques vous portez sur moi.
28 Vous dites : « Où est
la maison de l'oppresseur ! Qu'est devenue la tente
qu'habitaient les impies ? »
29 N'avez-vous donc jamais
interrogé les voyageurs, et ignorez-vous leurs remarques ?
30
Au jour du malheur, le méchant est épargné ; au jour de la
colère, il échappe au châtiment.
31
Qui blâme devant lui sa conduite ? Qui lui demande compte de ce
qu'il a fait ?
32 On le porte honorablement
au tombeau ; et on veille sur son mausolée.
33 les glèbes
de la vallée lui sont légères, et tous les hommes y
vont à sa suite, comme des générations
sans nombre l'y ont
précédé.
34 Que signifient donc vos vaines consolations ?
De vos réponses il ne reste que perfidie.
— Discours
d'Eliphaz. —
1 Alors Eliphaz
prit la parole et dit :
2 L'homme peut-il être utile à
Dieu ? Le sage n'est utile qu'à lui-même.
3 Qu'importe au
Tout-Puissant que tu sois juste ? Si tu es intègre dans tes
voies, qu'y gagne-t-il ?
4 Est-ce à cause de ta piété
qu'il te châtie, qu'il entre en jugement avec toi ?
5 Ta
malice n'est-elle pas immense, tes iniquités sans mesure ?
6
Tu prenais sans motif des gages à tes frères, tu enlevais les
vêtements à ceux qui étaient nus.
7 Tu ne donnais point d'eau à
l'homme épuisé, à l'affamé tu refusais le pain.
8 La terre
était au bras le plus fort, et le protégé y établissait sa
demeure.
9 Tu renvoyais les veuves les mains
vides, et les bras des orphelins étaient brisés.
10 Voilà
pourquoi tu es entouré de pièges, et troublé par des terreurs
soudaines,
11 au sein des ténèbres, sans voir, et submergé par
le déluge des eaux.
12 Dieu n'est-il pas dans les hauteurs du
ciel ? Vois le front des étoiles : comme il est élevé !
13
Et tu disais : « Qu'en sait Dieu ? Pourra-t-il juger
à travers les nues profondes ?
14 Les nues lui forment un
voile, et il ne voit pas ; il se promène sur le cercle du
ciel. »
15 Gardes-tu donc les voies anciennes, où
marchèrent les hommes d'iniquité,
16 qui furent emportés avant
le temps, dont les fondements ont été arrachés par les eaux.
17
Eux qui disaient à Dieu : « Retire-toi de nous ! Que
pourrait nous faire
le Tout-Puissant ? »
18 C'était lui pourtant qui avait
rempli leurs maisons de richesses. — Loin de moi le conseil
des méchants ! —
19 Les justes voient leur
chute et s'en réjouissent ; les
innocents se moquent d'eux :
20 « Voilà nos ennemis
anéantis ! Le feu a dévoré leurs richesses ! »
21
Réconcilie-toi donc avec Dieu
et apaise-toi ; ainsi le bonheur te sera rendu.
22 Reçois de
sa bouche l'enseignement, et mets ses paroles dans ton cœur.
23
Tu te relèveras, si tu reviens au Tout-Puissant, si tu éloignes
l'iniquité de ta tente.
24 Jette les lingots d'or dans la
poussière, et l'or d'Ophir parmi les cailloux du torrent.
25 Et
le Tout-Puissant sera ton or, il sera
pour toi un monceau d'argent.
26 Alors tu mettras tes délices
dans le Tout-Puissant, et tu lèveras vers lui ta face.
27 Tu le
prieras, et il t'écoutera, et tu t'acquitteras de tes vœux.
28
Si tu formes un dessein, il te réussira, sur tes sentiers brillera
la lumière.
29 A des fronts abattus tu crieras : « En
haut ! » et Dieu
secourra celui dont les yeux sont abaissés.
30 Il délivrera même
le coupable, sauvé par la pureté de tes mains.
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Oui, aujourd'hui ma plainte est amère,
et pourtant ma main retient mes soupirs.
3 Oh ! Qui me
donnera de savoir où le trouver, d'arriver jusqu'à son trône !
4
Je plaiderais ma cause devant lui, et je remplirais ma bouche
d'arguments.
5 Je saurais les raisons qu'il peut m'opposer, je
verrais ce qu'il peut avoir à me dire.
6 M'opposerait-il la
grandeur de sa puissance ? Ne jetterait-il pas au moins les
yeux sur moi ?
7 Alors l'innocent
discuterait avec lui, et je m'en irais absous pour toujours par mon
juge.
8 Mais si je vais à l'orient, il n'y est pas ; à
l'occident, je ne l'aperçois pas.
9 Est-il occupé au
septentrion, je ne le vois pas ; se cache-t-il au midi, je ne
puis le découvrir.
10 Cependant il connaît les sentiers où
je marche ; qu'il m'examine, je sortirai pur
comme l'or.
11 Mon pied a toujours foulé ses traces ; je me
suis tenu dans sa voie sans dévier.
12 Je ne me suis pas écarté
des préceptes de ses lèvres ; j'ai fait plier ma volonté aux
paroles de sa bouche.
13 Mais il a une pensée :
qui l'en fera revenir ? Ce qu'il désire, il l'exécute.
14
Il accomplira donc ce qu'il a décrété à mon sujet, et de pareils
desseins, il en a beaucoup.
15 Voilà pourquoi je me trouble en sa
présence ; quand j'y pense, j'ai peur de lui.
16 Dieu fait
fondre mon cœur ; le Tout-Puissant me remplit d'effroi.
17
Car ce ne sont pas les ténèbres qui me consument, ni l'obscurité
dont ma face est voilée.
1 Pourquoi n'y a-t-il pas de temps réservés par
le Tout-Puissant, et ceux qui le servent ne voient-ils pas son
jour ?
2 On voit
des hommes qui
déplacent les bornes, qui font paître le troupeau qu'ils ont
volé.
3 Ils poussent devant eux
l'âne de l'orphelin, et retiennent en gage le bœuf de la veuve.
4
Ils forcent les pauvres à se détourner du chemin ; tous les
humbles du pays sont réduits à se cacher.
5 Comme l'onagre dans
la solitude, ils sortent pour leur travail, dès le matin, cherchant
leur nourriture. Le désert leur fournit
la subsistance de leurs enfants ;
6 ils coupent les épis
dans les champs, ils maraudent dans la vigne de leur oppresseur.
7
Nus, ils passent la nuit, faute de vêtements, sans couverture contre
le froid.
8 La pluie des montagnes les pénètre ; à défaut
d'abri, ils se blottissent contre le rocher.
9 Ils arrachent
l'orphelin à la mamelle, ils prennent des gages sur les pauvres.
10
Ceux-ci, tout nus,
sans vêtements, portent, affamés, les gerbes du
maître ;
11 Ils expriment l'huile
dans ses celliers ; ils foulent la vendange, et ils ont soif.
12
Du sein des villes s'élèvent les gémissements des hommes, et l'âme
des blessés crie ; et Dieu ne prend pas garde à ces
forfaits !
13 D'autres
sont parmi les ennemis de la lumière, ils n'en connaissent pas les
voies, ils ne se tiennent pas dans ses sentiers.
14 L'assassin se
lève au point du jour ; il tue le pauvre et l'indigent, il rôde
la nuit comme un voleur.
15 L'œil de l'adultère épie le
crépuscule ; « Personne ne me voit, » dit-il, et il
jette un voile sur son visage.
16 La nuit, d'autres forcent les
maisons, le jour, ils se tiennent cachés : ils ne connaissent
pas la lumière.
17 Pour eux, le matin est comme l'ombre de la
mort, car les horreurs de la nuit leur sont familières.
18
Ah ! l'impie
glisse comme un corps
léger sur la face des eaux, il n'a sur la terre qu'une part maudite,
il ne se dirige pas sur le chemin des vignes !
19 Comme la
sécheresse et la chaleur absorbent l'eau des neiges, ainsi le schéol
engloutit les
pécheurs !
20 Ah ! Le sein maternel l'oublie, les vers
en font leurs délices ; on ne se souvient plus de lui, et
l'iniquité est brisée comme un arbre.
21 Il dévorait la femme
stérile et sans
enfants, il ne faisait pas de bien à la veuve !...
22 Mais
Dieu par sa force
ébranle les puissants, il se lève, et ils ne comptent plus sur la
vie ;
23 il leur donne la sécurité et la confiance, et ses
yeux veillent sur leurs voies.
24 Ils se sont élevés, et en un
instant ils ne sont plus ; ils tombent, ils sont moissonnés
comme tous les hommes ; ils sont coupés comme la tête des
épis.
25 S'il n'en est pas ainsi, qui me convaincra de
mensonge ? Qui réduira mes paroles à néant ?
— Discours de
Baldad. —
1 Alors Baldad de
Suhé prit la parole et dit :
2 A lui appartiennent la
domination et la terreur ; il fait régner
la paix dans ses hautes demeures.
3
Ses légions ne sont-elles pas innombrables ? Sur qui ne se lève
pas sa lumière ?
4 Comment l'homme serait-il juste devant
Dieu ? Comment le fils de la femme serait-il pur ?
5
Voici que la lune même est sans clarté, les étoiles ne sont pas
pures à ses yeux :
6 combien moins l'homme, ce vermisseau,
le fils de l'homme, ce vil insecte !
— Réponse de
Job. —
1 Alors Job prit la
parole et dit :
2 Comme tu sais venir en aide à la
faiblesse, prêter secours au bras sans force !
3 Comme tu
conseilles bien l'ignorant ! Quelle abondance de sagesse tu fais
paraître !
4 A qui adresses-tu des paroles ? Et de qui
est l'esprit qui
sort de ta bouche ?
5 Devant
Dieu, les ombres tremblent sous les eaux et
leurs habitants.
6 Le schéol est à nu devant lui, et l'abîme
n'a point de voile.
7 Il étend le septentrion sur le vide, il
suspend la terre sur le néant.
8 Il renferme les eaux dans ses
nuages, et les nues ne se déchirent pas sous leur poids.
9
Il voile la face de son trône, il étend sur lui ses nuées.
10
Il a tracé un cercle à la surface des eaux, au point de division de
la lumière et des ténèbres.
11 Les colonnes du ciel
s'ébranlent, et s'épouvantent à sa menace.
12 Par sa puissance
il soulève la mer, par sa sagesse il brise l'orgueil.
13 Par son
souffle le ciel devient serein, sa main a formé le serpent
fuyard.
14 Tels sont les bords de ses voies, le léger murmure
que nous en percevons ; mais le tonnerre de sa puissance, qui
pourra l'entendre ?
— Nouveau discours
de Job. —
1 Job reprit son
discours et dit :
2 Par le Dieu vivant qui me refuse
justice, par le Tout-Puissant qui remplit mon âme d'amertume :
3
aussi longtemps que j'aurai la respiration, que le souffle de Dieu
sera dans mes narines,
4 mes lèvres ne prononceront rien
d'inique, ma langue ne proférera pas le mensonge.
5 Loin de moi
la pensée de vous donner raison ! Jusqu'à ce que j'expire, je
défendrai mon innocence.
6 J'ai entrepris ma justification, je ne
l'abandonnerai pas ; mon cœur ne condamne aucun de mes
jours.
7 Que mon ennemi soit traité comme le méchant !
Que mon adversaire ait le sort de l'impie !
8 Quel sera
l'espoir de l'impie quand Dieu le retranchera, quand il retirera son
âme ?
9 Est-ce que Dieu écoutera ses cris, au jour où
l'angoisse viendra sur lui ?
10 Trouve-t-il ses délices dans
le Tout-Puissant ? Adresse-t-il en tout temps ses prières à
Dieu ?
11 Je vous enseignerai la conduite de Dieu, et je ne
vous cacherai pas les desseins du Tout-Puissant.
12 Voici que
vous-mêmes, vous avez tous vu ; pourquoi donc discourez-vous en
vain ?
13 Voici la part que Dieu réserve au méchant,
l'héritage que les violents reçoivent du Tout-Puissant.
14 S'il
a des fils en grand nombre, c'est
pour le glaive ; ses rejetons ne seront pas rassasiés de
pain.
15 Ses survivants seront ensevelis dans la mort, leurs
veuves ne les
pleureront pas.
16 S'il amasse l'argent comme la poussière, s'il
entasse les vêtements comme la boue,
17 c'est lui qui entasse,
mais c'est le juste qui les porte, c'est le juste qui hérite de ton
argent.
18 Sa maison est comme celle que bâtit la teigne, comme
la hutte que se construit le gardien des
vignes.
19 Le riche se couche, c'est pour
la dernière fois ; il ouvre les yeux, il n'est plus.
20 Les
terreurs fondent sur lui comme des eaux, un tourbillon l'enlève au
milieu de la nuit.
21 Le vent d'orient l'emporte, et il
disparaît ; il l'arrache violemment de sa demeure.
22 Dieu
lance sur lui ses
traits sans pitié, il fuit éperdu loin de sa main ;
23 on
bat des mains à son sujet, de sa demeure on siffle sur lui.
1 Il y a pour l'argent un lieu d'où on
l'extrait, pour l'or un lieu où on l'épure.
2 Le fer se tire de
la terre, et la pierre fondue donne
le cuivre.
3 L'homme
met fin aux ténèbres, il explore, jusqu'au fond des abîmes, la
pierre cachée dans
les ténèbres et l'ombre de la mort.
4 Il creuse, loin des lieux
habités, des galeries, qu'ignore le pied des
vivants ; suspendu, il vacille, loin
des humains.
5 La terre, d'où sort le pain, est bouleversée dans
ses entrailles comme par le feu.
6 Ses roches sont le lieu du
saphir, et l'on y trouve de la poudre d'or.
7 L'oiseau de proie
n'en connaît pas le sentier, l'œil du vautour ne l'a point
aperçu.
8 Les animaux sauvages ne l'ont point foulé, le lion n'y
a jamais passé.
9 L'homme
porte sa main sur le granit, il ébranle les montagnes dans
leurs racines.
10 Il perce des galeries dans les rochers ;
rien de précieux n'échappe à son regard.
11 Il sait arrêter le
suintement des eaux, il amène à la lumière tout ce qui était
caché.
12 Mais la Sagesse, où la trouver ? Où est le
lieu de l'Intelligence ?
13 L'homme n'en connaît pas le
prix, on ne la rencontre pas sur la terre des vivants.
14 L'abîme
dit : « Elle n'est pas dans mon sein ; » la mer
dit : « Elle n'est pas avec moi. »
15 Elle ne se
donne pas contre de l'or pur, elle ne s'achète pas au poids de
l'argent.
16 On ne la met pas en balance avec de l'or d'Ophir,
avec l'onyx précieux et avec le saphir.
17 L'or et le verre ne
peuvent lui être comparés, on ne l'échange pas pour un vase d'or
fin.
18 Qu'on ne fasse pas mention du corail et du cristal :
la possession de la sagesse vaut
mieux que les perles.
19 La topaze d'Ethiopie ne l'égale pas, et
l'or pur n'atteint pas sa valeur.
20 D'où vient donc la
sagesse ? Où est lieu de l'Intelligence ?
21 Elle est
cachée aux yeux de tous les vivants, elle se dérobe aux oiseaux du
ciel.
22 L'enfer et la mort disent : « Nous en avons
entendu parler. »
23 C'est Dieu qui connaît son chemin,
c'est lui qui sait où elle réside.
24 Car il voit jusqu'aux
extrémités de la terre, il aperçoit tout ce qui est sous le
ciel.
25 Quand il réglait le poids des vents, qu'il mettait les
eaux dans la balance,
26 quand il donnait des lois à la pluie,
qu'il traçait la
route aux éclairs de la foudre,
27 alors il l'a vue et l'a
décrite, il l'a établie et en a sondé les secrets.
28 Puis il a
dit à l'homme : La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ;
fuir le mal, voilà l'intelligence.
— Dernier discours
de Job. —
1 Job reprit encore
son discours et dit :
2 Oh ! Qui me rendra les mois
d'autrefois, les jours où Dieu veillait à ma garde ;
3
quand sa lampe brillait sur ma tête, et que sa lumière me guidait
dans les ténèbres !
4 Tel que j'étais aux jours de mon âge
mûr, quand Dieu me visitait familièrement dans ma tente,
5 quand
le Tout-Puissant était encore avec moi, et que mes fils
m'entouraient ;
6 quand je lavais mes pieds dans le lait, et
que le rocher me versait des flots d'huile !
7 Lorsque je
sortais pour me rendre à la porte de la ville, et que j'établissais
mon siège sur la place publique,
8 en me voyant, les jeunes gens
se cachaient, les vieillards se levaient et se tenaient debout.
9
Les princes retenaient leurs paroles, et mettaient leur main sur la
bouche.
10 La voix des chefs restait muette, leur langue
s'attachait à leur palais.
11 L'oreille qui m'entendait me
proclamait heureux, l'œil qui me voyait me rendait témoignage.
12
Car je sauvais le pauvre qui implorait du
secours, et l'orphelin dénué de tout
appui.
13 La bénédiction de celui qui allait périr venait sur
moi, je remplissais de joie le cœur de la veuve.
14 Je me
revêtais de la justice comme d'un vêtement, mon équité était mon
manteau et mon turban.
15 J'étais l'œil de l'aveugle, et le pied
du boiteux.
16 J'étais le père des pauvres, j'examinais avec
soin la cause de l'inconnu.
17 Je brisais la mâchoire de
l'injuste, et j'arrachais sa
proie d'entre les dents.
18 Je disais : « Je mourrai
dans mon nid, j'aurai des jours nombreux comme le sable.
19 Mes
racines s'étendent vers les eaux, la rosée passe la nuit dans mon
feuillage.
20 Ma gloire reverdira sans cesse, et mon arc reprendra
sa vigueur dans ma main. »
21 On m'écoutait et l'on
attendait, on recueillait en silence mon avis.
22 Après que
j'avais parlé, personne n'ajoutait rien ; ma parole coulait sur
eux comme la rosée.
23
Ils m'attendaient comme on attend
la pluie ; ils ouvraient la bouche comme aux ondées du
printemps.
24 Si je leur souriais, ils ne pouvaient le croire ;
ils recueillaient avidement ce signe de faveur.
25 Quand j'allais
vers eux, j'avais la première place, je siégeais comme un roi
entouré de sa troupe, comme un consolateur au milieu des affligés.
1 Et maintenant, je suis la risée d'hommes plus
jeunes que moi, dont je n'aurais pas daigné mettre les pères parmi
les chiens de mon troupeau.
2 Qu'aurais-je fait de la force de
leurs bras ? Ils sont privés de toute vigueur.
3 Desséchés
par la misère et la faim, ils broutent le désert, un sol depuis
longtemps aride et désolé.
4 Ils cueillent sur les buissons des
bourgeons amers, ils n'ont pour pain que la racine des genêts.
5
On les écarte de la société des hommes,
on crie après eux comme après
le voleur.
6 Ils habitent dans d'affreuses vallées, dans les
cavernes de la terre et les rochers.
7 On entend leurs cris
sauvages parmi les broussailles, ils se couchent ensemble sous les
ronces :
8 gens insensés, race sans nom, bannis avec mépris
de la terre habitée !
9
Et maintenant je suis l'objet de
leurs chansons, je suis en butte à leurs propos.
10 Ils ont
horreur de moi, ils me fuient, ils ne détournent pas leur crachat de
mon visage.
11 Ils se donnent libre carrière pour m'outrager, ils
rejettent tout frein devant moi.
12 Des misérables se lèvent à
ma droite, ils cherchent à ébranler mes pieds, ils frayent jusqu'à
moi leurs routes meurtrières.
13 Ils ont bouleversé mes
sentiers, ils travaillent à ma ruine, eux à qui personne ne
porterait secours.
14 Ils fondent sur moi,
comme par une large brèche, ils se précipitent parmi les
décombres.
15 Les terreurs m'assiègent, ma prospérité est
emportée comme un souffle, mon bonheur a passé comme un nuage.
16
Et maintenant, mon âme s'épanche en moi, les jours d'affliction
m'ont saisi.
17 La nuit perce mes os, les consume, le mal qui me
ronge ne dort pas.
18 Par sa violence, mon vêtement a perdu sa
forme, il me serre comme une tunique.
19 Dieu
m'a jeté dans la fange, je suis comme la poussière et la cendre.
20
Je crie vers toi, et tu ne me réponds pas ; je me tiens debout,
et tu me regardes avec indifférence.
21
Tu deviens cruel à mon égard, tu m'attaques avec toute la force de
ton bras.
22 Tu m'enlèves, tu me fais voler au gré du vent, et
tu m'anéantis dans le fracas de
la tempête.
23 Car, je le sais, tu me mènes à la mort, au
rendez-vous de tous les vivants.
24 Cependant celui qui va
périr n'étendra-t-il pas les mains et, dans sa détresse, ne
poussera-t-il pas un cri ?
25 N'avais-je pas des larmes pour
l'infortuné ? Mon cœur ne s'est-il pas attendri sur
l'indigent ?
26 J'attendais le bonheur, et le malheur est
arrivé ; j'espérais la lumière, et les ténèbres sont
venues.
27 Mes entrailles bouillonnent sans relâche, les jours
d'affliction ont fondu sur moi.
28 Je marche dans le deuil, sans
soleil ; si je me lève dans l'assemblée, c'est pour pousser
des cris.
29 Je suis devenu le frère des chacals, le compagnon
des filles de l'autruche.
30 Ma peau livide tombe en lambeaux, mes
os sont brûlés par un feu intérieur.
31
Ma cithare ne rend plus que des accords lugubres, mon chalumeau que
des sons plaintifs.
1 J'avais fait un pacte avec mes yeux, et comment
aurais-je arrêté mes regards sur une vierge. —
2 Quelle
part, me disais-je,
Dieu me réserverait-il
d'en haut ? Quel sort le Tout-Puissant me
ferait-il de son ciel ?
3 La ruine
n'est-elle pas pour le méchant, et le malheur pour les artisans
d'iniquité ?
4 Dieu
ne connaît-il pas mes voies, ne compte-t-il pas tous mes pas ?
5
Si j'ai marché dans le sentier du
mensonge, si mon pied a couru après la fraude, —
6 que
Dieu me pèse dans de justes balances, et il reconnaîtra mon
innocence !
7 Si mes pas se sont écartés du droit
chemin, si mon cœur a suivi mes yeux, si quelque souillure s'est
attachée à mes mains, —
8 que je sème, et qu'un autre
mange, que mes rejetons soient déracinés !
9 Si mon
cœur a été séduit par une femme, si j'ai fait le guet à la porte
de mon prochain, —
10 que ma femme tourne la meule pour un
autre, que des étrangers la déshonorent !
11 Car c'est là
un crime horrible, un forfait que punissent
les juges ;
12 un feu qui dévore jusqu'à la ruine, qui
aurait détruit tous mes biens.
13 Si j'ai méconnu le droit de
mon serviteur ou de ma servante, quand ils étaient en contestation
avec moi : —
14 Que faire, quand Dieu se lèvera ?
Au jour de sa visite, que lui répondrai-je ?
15 Celui qui
m'a fait dans le sein de ma mère
ne l'a-t-il pas fait aussi ? Un même Créateur
ne nous a-t-il pas formés ?
16 Si j'ai refusé aux
pauvres ce qu'ils désiraient, si j'ai fait languir les yeux de la
veuve,
17 si j'ai mangé seul mon morceau de pain, sans que
l'orphelin en ait eu sa part : —
18 dès mon enfance
il m'a gardé comme un père ; dès ma naissance il a guidé mes
pas.
19 Si j'ai vu le malheureux
périr sans vêtements, l'indigent manquer de couverture,
20 sans
que ses reins m'aient béni, sans que la toison de mes agneaux l'ait
réchauffé ;
21 si j'ai levé la main contre l'orphelin,
parce que je me voyais un appui dans les juges, —
22 que
mon épaule se détache du tronc, que mon bras soit arraché de
l'humérus.
23 Car je crains la vengeance de Dieu, et devant sa
majesté je ne puis subsister.
24
Si j'ai mis dans l'or mon assurance, si j'ai dit à l'or pur :
« Tu es mon espoir ; »
25 si je me suis réjoui
de l'abondance de mes biens, des trésors amassés par mes mains ;
26
si, en voyant le soleil jeter ses feux, et la lune s'avancer dans sa
splendeur,
27 mon cœur s'est laissé séduire en secret, si ma
main s'est portée à ma bouche, —
28 c'est là encore un
crime que punit le
juge ; j'aurais renié le Dieu très-haut.
29 Si j'ai été
joyeux de la ruine de mon ennemi, si j'ai tressailli d'allégresse
quand le malheur l'a frappé : —
30 Non, je n'ai pas
permis à ma langue de pécher, en demandant sa mort avec
imprécation !...
31 Si les gens de ma tente ne disaient
pas : « Où trouver quelqu'un qui ne soit pas rassasiés
de sa table ? »
32 si l'étranger passait la nuit en
dehors, si je n'ouvrais pas la porte au voyageur !...
33
Si j'ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes, et renfermé
mes iniquités dans mon sein,
34 par peur de la grande assemblée,
par crainte du mépris des familles, au point de me taire, et de
n'oser franchir le seuil
de ma porte !...
35 Oh ! Qui me fera trouver
quelqu'un qui m'écoute ? Voilà ma signature : que le
Tout-Puissant me réponde ! Que mon adversaire écrive aussi sa
cédule !
36 On verra
si je ne la mets pas sur mon épaule, si je n'en ceins pas mon front
comme d'un diadème !
37 Je rendrai compte à
mon juge de tous mes pas, je m'approcherai
de lui comme un
prince.
38 Si ma terre crie contre moi, si j'ai fait pleurer
ses sillons ;
39 si j'ai mangé ses produits sans l'avoir
payée, si je l'ai arrachée à ses légitimes
possesseurs, —
40 qu'au lieu de froment il y naisse des
épines, et de l'ivraie au lieu d'orge !
Ici finissent les discours de Job.
— Premier discours
d'Eliu. —
1 Ces trois hommes
cessèrent de répondre à Job, parce qu'il persistait à se regarder
comme juste.
2 Alors s'alluma la colère d'Eliu, fils de Barachel
le Bouzite, de la famille de Ram. Sa colère s'alluma contre Job,
parce qu'il se prétendait plus juste que Dieu.
3 Elle s'alluma
aussi contre ses trois amis, parce qu'ils n'avaient pas trouvé de
bonnes réponse à lui faire et que néanmoins
ils condamnaient Job.
4 Comme ils étaient plus âgés que lui,
Eliu avait attendu pour parler à Job.
5 Mais voyant qu'il n'y
avait plus de réponse dans la bouche de ces
trois hommes, il s'enflamma de colère.
6 Alors Eliu, fils de
Barachel le Bouzite, prit la parole et dit :
Je
suis jeune et vous êtes des vieillards ; c'est pourquoi j'étais
effrayé et je redoutais de vous faire connaître mon sentiment.
7
Je me disais : « Les jours parleront, les nombreuses
années révéleront la sagesse. »
8 Mais c'est l'esprit mis
dans l'homme, le souffle du Tout-Puissant qui lui donne
l'intelligence.
9 Ce n'est pas l'âge qui donne la sagesse, ce
n'est pas la vieillesse qui discerne la justice.
10 Voilà
pourquoi je dis : « Écoutez-moi ; je vais, moi
aussi, exposer ma pensée. »
11 J'ai attendu tant que
vous parliez, j'ai prêté l'oreille à vos raisonnements, jusqu'à
la fin de vos débats.
12 Je vous ai suivis attentivement, et nul
n'a convaincu Job, nul d'entre vous n'a réfuté ses paroles.
13
Ne dites pas : « Nous avons trouvé la sagesse ;
c'est Dieu qui le frappe, et non pas l'homme. »
14 Il n'a
pas dirigé contre moi ses discours, mais ce n'est pas avec vos
paroles que je lui répondrai.
15 Les voilà interdits ;
ils ne répondent rien ; la parole leur fait défaut.
16 J'ai
attendu qu'ils eussent fini de parler, qu'ils restassent muets
et sans réponse.
17 C'est à mon tour de parler à présent ;
je veux dire aussi ce que je pense.
18 Car je suis plein de
discours, l'esprit qui est en moi m'oppresse.
19 Mon cœur est
comme un vin renfermé, comme une outre remplie de vin nouveau qui va
éclater.
20 Que je parle donc, afin de respirer à l'aise, que
mes lèvres s'ouvrent pour répondre !
21 Je ne veux faire
acception de personne, je ne flatterai qui que ce soit.
22 Car je
ne sais pas flatter ; autrement mon Créateur m'enlèverait
sur-le-champ.
1 Maintenant donc, Job, écoute mes paroles,
prête l'oreille à tous mes discours.
2 Voilà que j'ouvre la
bouche, ma langue forme des mots dans mon palais,
3 mes paroles
partiront d'un cœur droit, c'est la vérité pure qu'exprimeront mes
lèvres.
4 L'esprit de Dieu m'a créé, le souffle du
Tout-Puissant me donne la vie.
5 Si tu le peux, réponds-moi ;
dispose tes arguments
devant moi, tiens-toi ferme.
6 Devant Dieu je suis ton égal,
comme toi j'ai été formé du limon.
7 Ainsi ma crainte ne
t'épouvantera pas, et le poids de ma majesté ne peut t'accabler.
8
Oui, tu as dit à mes oreilles, et j'ai bien entendu le son de tes
paroles ;
9 « Je suis pur, exempt de tout péché ;
je suis irréprochable, il n'y a point d'iniquité en moi.
10 Et
Dieu invente contre moi des motifs de haine, il me traite comme son
ennemi.
11 Il a mis mes pieds dans les ceps, il surveille tous mes
pas. »
12 Je te répondrai qu'en cela tu n'as pas été
juste, car Dieu est plus grand que l'homme.
13 Pourquoi disputer
contre lui, parce qu'il ne rend compte de ses actes à personne ?
14
Pourtant Dieu parle tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, et
l'on n'y fait pas attention.
15 Il
parle par des songes, par des visions
nocturnes, quand un profond sommeil pèse sur les mortels, quand ils
dorment sur leur couche.
16 A ce moment, il ouvre l'oreille des
hommes, et y scelle ses avertissements,
17 afin de détourner
l'homme de ses œuvres mauvaises,
et d'écarter de lui l'orgueil,
18 afin de sauver son âme de la
mort, sa vie des atteintes du dard.
19 Par la douleur aussi
l'homme est repris sur sa couche, quand une lutte continue agite
ses os.
20 Alors il prend en dégoût le pain, et il a
horreur des mets exquis,
21 Sa chair
s'évanouit aux regards, ses os qu'on ne voyait pas sont mis à
nu.
22 Il s'approche de la fosse, sa vie est en proie aux horreurs
du trépas.
23 Mais s'il trouve pour intercesseur, un ange entre
mille, qui fasse connaître à l'homme son devoir,
24 Dieu
a pitié de lui et dit à l'ange :
« Epargne-lui de descendre dans la fosse, j'ai trouvé la
rançon de sa vie. »
25
Sa chair alors a plus de fraîcheur qu'au premier âge, il revient
aux jours de sa jeunesse.
26 Il prie Dieu, et Dieu lui est
propice ; il contemple sa face avec allégresse, et le
Très-Haut lui rend son innocence.
27 Il
chante parmi les hommes, il dit : « J'ai péché, j'ai
violé la justice, et Dieu ne m'a pas traité selon mes fautes.
28
Il a épargné à mon âme de descendre dans la fosse, et ma vie
s'épanouit à la lumière ! »
29 Voilà, Dieu fait
tout cela, deux fois, trois fois, pour l'homme,
30 afin de le
ramener de la mort, de l'éclairer de la lumière des vivants.
31
Sois attentif, Job, écoute-moi ; garde le silence, que je
parle.
32 Si tu as quelque chose à dire, réponds-moi ;
parle, car je voudrais te trouver juste.
33 Si tu n'as rien à
dire, écoute-moi ; fais silence, et je t'enseignerai la
sagesse.
— Deuxième
discours d'Eliu. —
1 Eliu
reprit et dit :
2 Sages, écoutez mes discours ;
hommes intelligents, prêtez-moi l'oreille.
3 Car l'oreille juge
les paroles, comme le palais discerne les aliments.
4 Tâchons de
discerner ce qui est juste ; cherchons entre nous ce qui est
bon.
5 Job a dit : « Je suis innocent, et Dieu me
refuse justice.
6 Quand je soutiens mon droit, je passe pour
menteur ; ma plaie est douloureuse, sans que j'aie péché. »
7
Y a-t-il un homme semblable à Job ? Il boit le blasphème comme
l'eau !
8 Il s'associe aux artisans d'iniquité, il marche
avec les hommes pervers.
9 Car il a dit : « Il ne sert
de rien à l'homme de chercher la faveur de Dieu. »
10
Ecoutez-moi donc, hommes sensés : Loin de Dieu l'iniquité !
Loin du Tout-Puissant l'injustice !
11 Il rend à l'homme
selon ses œuvres, il rétribue chacun selon ses voies.
12 Non,
certes, Dieu ne commet pas l'iniquité, le Tout-Puissant ne viole pas
la justice.
13 Qui lui a remis le gouvernement de la terre ?
Qui lui a confié l'univers ?
14 S'il ne pensait qu'à
lui-même, s'il retirait à lui son esprit et son souffle,
15
toute chair expirerait à l'instant, et l'homme retournerait à la
poussière.
16 Si tu as de l'intelligence, écoute ceci ;
prête l'oreille au son de mes paroles :
17 Un ennemi de la
justice aurait-il le suprême pouvoir ? Oses-tu condamner le
Juste, le Puissant,
18 qui dit à un roi : « Vaurien ! »
aux princes : « Pervers ! »
19 qui ne fait
point acception de la personne des grands, qui ne regarde pas le
riche plus que le pauvre, parce que tous sont l'ouvrage de ses
mains ?
20 En un instant ils périssent, au milieu de la
nuit, les peuples chancellent et disparaissent ; le puissant est
emporté sans main d'homme.
21
Car les yeux de Dieu
sont ouverts sur les voies de l'homme, il voit distinctement tous ses
pas.
22 Il n'y a ni ténèbres ni ombre de la mort, où puissent
se cacher ceux qui commettent l'iniquité.
23 Il n'a pas besoin de
regarder un homme deux fois, pour l'amener au jugement avec lui.
24
Il brise les puissants sans enquête, et il en met d'autres à leur
place.
25 Il connaît donc leurs œuvres ; il les renverse de
nuit, et ils sont écrasés.
26 Il les frappe comme des impies, en
un lieu où on les regarde,
27 parce qu'en se détournant de lui,
en refusant de connaître toutes ses voies,
28 ils ont fait monter
vers lui le cri du pauvre, ils l'ont rendu attentif au cri des
malheureux.
29 S'il accorde la paix, qui le trouvera mauvais ;
s'il cache son visage, qui pourra le contempler, qu'il soit peuple ou
homme celui qu'il traite ainsi,
30 pour mettre fin au règne de
l'impie, pour qu'il ne soit plus un piège pour le peuple ?
31
Or avait-il dit à Dieu : « J'ai été châtié, je ne
pécherai plus ;
32 montre-moi ce que j'ignore ; si j'ai
commis l'iniquité, je ne le ferai plus ? »
33
Est-ce d'après ton avis
que Dieu doit rendre
la justice de sorte que tu puisses rejeter son jugement ?
Choisis à ton gré, et non pas moi ; ce que tu sais,
expose-le.
34 Les gens sensés me diront, ainsi que l'homme sage
qui m'écoute :
35 « Job a parlé sans intelligence, et
ses discours sont dépourvus de sagesse.
36 Eh bien, que Job soit
éprouvé jusqu'au bout, puisque ses réponses sont celles d'un
impie !
37 Car à l'offense il ajoute la révolte ; il
bat des mains au milieu de nous, il multiplie ses propos contre
Dieu. »
— Troisième
discours d'Eliu. —
1 Eliu
prit de nouveau la parole et dit :
2 Crois-tu que ce soit
là de la justice,
de dire : « J'ai raison contre Dieu ? »
3
Car tu as dit : « Que me sert mon innocence, qu'ai-je de
plus que si j'avais péché ? »
4 Moi, je vais te
répondre, et à tes amis en même temps.
5 Considère les
cieux et regarde ; vois les nuées : elles sont plus hautes
que toi !...
6 Si tu pèches, quel tort lui causes-tu ?
Si tes offenses se multiplient, que lui fais-tu ?
7 Si tu es
juste, que lui donnes-tu ? Que reçoit-il de ta main ?
8
Ton iniquité ne peut nuire qu'à
tes semblables, ta justice n'est utile qu'au
fils de l'homme.
9 Des malheureux
gémissent sous la violence des vexations, et crient sous la main des
puissants.
10 Mais nul ne dit : « Où est Dieu, mon
Créateur, qui donne à la nuit des chants de joie,
11 qui nous a
faits plus intelligents que les animaux de la terre, plus sages que
les oiseaux du ciel. »
12 Ils crient alors, sans être
exaucés, sous l'orgueilleuse tyrannie des méchants.
13 Dieu
n'exauce pas les discours insensés, le Tout-Puissant ne les regarde
pas.
14 Quand tu lui
dis : « Tu ne vois pas ce qui se passe, » ta
cause est devant lui ; attends son jugement.
15 Mais, parce
que sa colère ne sévit pas encore, et qu'il semble ignorer sa
folie,
16 Job prête sa bouche à de vaines paroles, et se répand
en discours insensés.
— Quatrième
discours d'Eliu. —
1 Eliu
reprit encore une fois et dit :
2 Attends un peu, et je
t'instruirai, car j'ai des paroles encore pour la cause de Dieu ;
3
je prendrai mes raisons de haut, et je montrerai la justice de mon
Créateur.
4 Sois-en sûr, mes discours sont exempts de mensonge ;
devant toi est un homme sincère en ses
jugements.
5 Voici que Dieu est puissant, mais il ne dédaigne
personne ; il
est puissant par la force de son intelligence.
6 Il ne laisse pas
vivre le méchant, et il fait justice aux malheureux.
7 Il ne
détourne pas ses yeux des justes ; il les fait asseoir sur le
trône avec les rois, il les établit pour toujours, et ils sont
exaltés.
8 Viennent-ils à tomber dans les fers, sont-ils pris
dans les liens du malheur,
9
il leur dénonce leurs œuvres, leurs fautes causées par
l'orgueil.
10 Il ouvre leur oreille à la réprimande, il les
exhorte à se détourner du mal.
11 S'ils écoutent et se
soumettent, ils achèvent leurs jours dans le bonheur, et leurs
années dans les délices.
12 Mais s'ils n'écoutent pas, ils
périssent par le glaive, ils meurent dans leur aveuglement.
13
Les cœurs impies se livrent à la colère, ils ne crient pas vers
Dieu quand il les met dans les chaînes.
14 Aussi meurent-ils dans
leur jeunesse, et leur vie se flétrit
comme celle des infâmes.
15 Mais Dieu sauve le malheureux
dans sa misère, il l'instruit par la souffrance.
16 Toi
aussi, il te retirera de la détresse, pour
te mettre au large, en pleine liberté, et ta table sera dressée et
chargée de mets succulents.
17 Mais si tu combles la mesure de
l'impie, tu en porteras la sentence et la peine.
18 Crains
que Dieu irrité ne t'inflige un châtiment,
et que tes riches offrandes ne t'égarent.
19 Tes cris te
tireront-ils de la détresse, et même toutes les ressources de la
force ?
20 Ne soupire pas après la nuit, durant laquelle les
peuples sont anéantis sur place.
21 Prends garde de te tourner
vers l'iniquité, car tu la préfères à l'affliction.
22
Vois : Dieu est sublime dans sa puissance ! Quel maître
est semblable à lui ?
23 Qui lui trace la voie qu'il doit
suivre ? Qui peut lui dire : « Tu as mal fait ? »
24
Songe plutôt à glorifier ses œuvres, que les hommes célèbrent
dans leurs chants.
25 Tout homme les admire, le mortel les
contemple de loin.
26 Dieu est grand au-dessus de toute science,
le nombre de ses années est impénétrable.
27 Il attire les
gouttes d'eau, qui se répandent en pluie sous leur poids.
28 Les
nuées la laissent couler, et tomber sur la masse des hommes.
29
Qui comprendra l'expansion des nuages, et le fracas de la tente du
Très-Haut ?
30
Tantôt il étend
autour de lui sa lumière, tantôt
il se cache comme au
fond de la mer.
31 C'est ainsi qu'il exerce sa justice sur les
peuples, et qu'il donne la nourriture avec abondance.
32 Il prend
la lumière dans ses mains, et lui marque le but à atteindre.
33
Son tonnerre l'annonce, l'effroi des troupeaux annonce
son approche.
1 A ce spectacle,
mon cœur est tout tremblant, il bondit hors de sa place.
2
Ecoutez, écoutez le fracas de sa voix, le grondement qui sort de sa
bouche !
3 Il lui donne libre carrière sous l'immensité des
cieux, et son éclair brille
jusqu'aux extrémités de la terre.
4 Puis éclate un rugissement,
il tonne de sa voix majestueuse ; il ne retient plus les
éclairs, quand on
entend sa voix ;
5 Dieu tonne de sa voix, d'une manière
merveilleuse. Il fait de grandes choses que nous ne comprenons
pas.
6 Il dit à la neige : « Tombe sur la
terre ; » il commande
aux ondées et aux pluies torrentielles.
7 Il met un sceau sur la
main de tous les hommes, afin que tout mortel reconnaisse son
Créateur.
8 Alors
l'animal sauvage rentre dans son repaire, et demeure dans sa
tanière.
9 L'ouragan sort de ses retraites cachées, l'aquilon
amène les frimas.
10 Au souffle de Dieu se forme la glace, et la
masse des eaux est emprisonnée.
11 Il charge de vapeurs les
nuages, il disperse ses nuées lumineuses.
12 On les voit, selon
ses décrets, errer en tous sens, pour exécuter tout ce qu'il leur
commande, sur la face de la terre habitée.
13 C'est tantôt pour
le châtiment de sa terre, et tantôt en signe de faveur qu'il les
envoie.
14 Job, sois attentif à ces choses ; arrête-toi,
et considère les merveilles de Dieu.
15 Sais-tu comment il les
opère, et fait briller l'éclair dans la nue ?
16
Comprends-tu le balancement des nuages, les merveilles de celui dont
la science est parfaite,
17 toi dont les vêtements sont chauds,
quand la terre se repose au souffle du midi ?
18 Peux-tu,
comme lui, étendre les nuées, et les rendre solides comme un miroir
d'airain ?
19 Fais-nous connaître ce que nous devons lui
dire : nous ne saurions lui parler, ignorants que nous
sommes.
20 Ah ! qu'on ne lui rapporte pas mes discours !
Un homme a-t-il jamais dit qu'il désirait sa perte ?
21 On
ne peut voir maintenant la lumière du
soleil, qui luit derrière les nuages ;
qu'un vent passe, il les dissipe.
22 L'or vient du septentrion ;
mais Dieu, que sa majesté est redoutable !
23 Le
Tout-Puissant, nous ne pouvons l'atteindre : il est grand en
force, et en droit, et en justice, il ne répond à personne !
24
Que les hommes donc le révèrent ! Il ne regarde pas ceux qui
se croient sages.
— Premier
discours. —
1 Alors Yahweh
répondit à Job du sein de la tempête, et dit :
2 Quel
est celui qui obscurcit ainsi le plan divin,
par des discours sans intelligence ?
3 Ceins tes reins, comme
un homme : je vais t'interroger, et tu m'instruiras.
4 Où
étais-tu quand je posais les fondements de la terre ? Dis-le,
si tu as l'intelligence.
5 Qui en a fixé les dimensions ? Le
sais-tu ? Qui a tendu sur elle cordeau ?
6 Sur quoi ses
bases reposent-elles, ou qui en a posé la pierre angulaire,
7
quand les astres du matin chantaient en chœur, et que tous les fils
de Dieu poussaient des cris d'allégresse ?
8 Qui a fermé
la mer avec des portes, lorsqu'elle sortit impétueuse du sein
maternel ;
9
quand je lui donnai les nuages pour vêtements, et pour langes
d'épais brouillards ;
10 quand je lui imposai ma loi, que je
lui mis des portes et des verrous,
11 et que je lui dis :
« Tu viendras jusqu'ici, non au delà ; ici s'arrêtera
l'orgueil de tes flots » ?
12 As-tu, depuis que tu
existes, commandé au matin ? As-tu indiqué sa place à
l'aurore,
13 pour qu'elle saisisse les extrémités de la terre et
qu'elle en secoue les méchants ;
14 pour que la
terre prenne forme, comme l'argile sous le
cachet, et qu'elle se montre parée
comme d'un vêtement ;
15 pour que les malfaiteurs soient
privés de leur lumière, et que le bras levé pour
le crime soit brisé ?
16 Es-tu
descendu jusqu'aux sources de la mer, t'es-tu promené dans les
profondeurs de l'abîme ?
17 Les portes de la mort se
sont-elles ouvertes devant toi, as-tu vu les portes du sombre
séjour ?
18 As-tu embrassé l'étendue de la terre ?
Parle, si tu sais toutes ces choses.
19 Où est le chemin qui
conduit au séjour de la lumière, et où se
trouve la demeure des ténèbres ?
20 Tu pourrais les saisir
en leur domaine, tu connais les sentiers de leur séjour !...
21
Tu le sais sans doute, puisque tu étais né avant elles ; le
nombre de tes jours est si grand !...
22 Es-tu entré
dans les trésors de la neige ? As-tu vu les réservoirs de la
grêle,
23 que je tiens prêts pour le temps de la détresse, pour
les jours de la guerre et du combat ?
24 Par quelle voie la
lumière se divise-t-elle, et le vent d'orient se répand-il sur la
terre ?
25 Qui a ouvert des canaux aux ondées, et tracé
une route aux feux du tonnerre,
26 afin que la pluie tombe sur une
terre inhabitée, sur le désert où il n'y a point d'hommes ;
27
pour qu'elle arrose la plaine vaste et vide, et y fasse germer
l'herbe verte !
28 La pluie a-t-elle un père ? Qui
engendre les gouttes de la rosée ?
29 De quel sein sort la
glace ? Et le givre du ciel, qui l'enfante,
30 pour que les
eaux durcissent comme la pierre, et que la surface de l'abîme se
solidifie ?
31 Est-ce toi qui serres les liens des
Pléiades, ou pourrais-tu relâcher les chaînes d'Orion ?
32
Est-ce toi qui fais lever les constellations en leur temps, qui
conduis l'Ourse avec ses petits ?
33 Connais-tu les lois du
ciel, règles-tu ses influences sur la terre ?
34
Elèves-tu ta voix jusque dans les nues, pour que des torrents d'eau
tombent sur toi ?
35 Est-ce toi qui lâches les éclairs pour
qu'ils partent, et te disent-ils : « Nous voici ! »
36
Qui a mis la sagesse dans les nuées, ou qui a donné l'intelligence
aux météores ?
37 Qui peut exactement compter les nuées,
incliner les urnes du ciel,
38 pour que la poussière se forme en
masse solide et que les glèbes adhèrent ensemble ?
39
Est-ce toi qui chasses pour la lionne sa proie, qui rassasies la faim
des lionceaux,
40 quand ils sont couchés dans leur
tanière, qu'ils se tiennent en embuscade dans le taillis ?
41
Qui prépare au corbeau sa pâture, quand ses petits crient vers
Dieu, qu'ils errent çà et là, sans nourriture ?
1 Connais-tu le temps où les chèvres sauvages
font leurs petits ? As-tu observé les biches quand elles
mettent bas ?
2 As-tu compté les mois de leur portée, et
connais-tu l'époque de leur délivrance ?
3 Elles se mettent
à genoux, déposent leurs petits, et sont quittes de leurs
douleurs.
4 Leurs faons se fortifient et grandissent dans les
champs ; ils s'en vont, et ne reviennent plus.
5 Qui a
lâché l'onagre en liberté, qui a brisé les liens de l'âne
sauvage,
6 à qui j'ai donné le désert pour maison, pour demeure
la plaine salée ?
7 Il méprise le tumulte des villes, il
n'entend pas les cris d'un maître.
8 Il parcourt les montagnes
pour trouver sa pâture, il y poursuit les moindres traces de
verdure.
9 Le buffle voudra-t-il te servir, ou bien
passera-t-il la nuit dans son étable ?
10 L'attacheras-tu
avec une corde au sillon, ou bien hersera-t-il derrière toi dans les
vallées ?
11 Te fieras-tu à lui parce qu'il est très fort,
lui laisseras-tu faire
tes travaux ?
12 Compteras-tu sur lui pour rentrer ta
moisson, pour recueillir le blé dans
ton aire ?
13 L'aile de l'autruche bat joyeusement ;
elle n'a ni l'aile pieuse ni le plumage de la
cigogne.
14 Elle abandonne ses œufs à
la terre, et les laisse chauffer sur le sable.
15 Elle oublie que
le pied peut les fouler, la bête des champs les écraser.
16 Elle
est dure pour ses petits, comme s'ils n'étaient pas siens ; que
son travail soit vain, elle ne s'en inquiète pas.
17 Car Dieu lui
a refusé la sagesse, et ne lui a pas départi l'intelligence.
18
Mais quand elle se bat les flancs et prend son essor, elle se rit du
cheval et du cavalier.
19 Est-ce toi qui donnes au cheval la
vigueur, qui revêts son cou d'une crinière flottante,
20 qui le
fais bondir comme la sauterelle ? Son fier hennissement répand
la terreur.
21 Il creuse du pied
la terre, il est fier de sa force, il s'élance au-devant du
combat.
22 Il se rit de la peur ; rien ne l'effraie ; il
ne recule pas devant l'épée.
23 Sur lui résonne le carquois, la
lance étincelante et le javelot.
24 Il frémit, il s'agite, il
dévore le sol ; il ne se contient plus quand la trompette
sonne.
25 Au bruit de la trompette, il dit : « Allons ! »
De loin il flaire la bataille, la voix tonnante des chefs et les cris
des guerriers.
26 Est-ce par ta sagesse que l'épervier prend son
vol et déploie ses ailes vers le midi ?
27 Est-ce à ton
ordre que l'aigle s'élève, et fait son nid sur les hauteurs ?
28
Il habite les rochers, il fixe sa demeure dans les dents de la
pierre, sur les sommets.
29 De là, il guette sa proie, son regard
perce au loin.
30 Ses petits s'abreuvent de sang ; partout où
il y a des cadavres, on le trouve.
— Humble réponse
de Job. —
1 Yahweh s'adressant
à Job, dit :
2 Le censeur du Tout-Puissant veut-il
encore plaider
contre lui ? Celui qui dispute avec Dieu peut-il répondre ?
3
Job répondit à Yahweh, en disant :
4 Chétif que je
suis, que te répondrai-je ? Je mets la main sur ma bouche.
5
J'ai parlé une fois, je ne répliquerai pas ; deux fois, je
n'ajouterai rien.
— Deuxième
discours de Dieu. —
6 Yahweh
parla encore à Job du sein de la tempête et dit :
7
Ceins tes reins, comme un homme ; Je vais t'interroger, et tu
m'instruiras.
8 Veux-tu donc anéantir ma justice, me condamner
afin d'avoir droit ?
9 As-tu un bras comme celui
de Dieu, et tonnes-tu de la voix comme
lui ?
10 Pare-toi de grandeur et de magnificence, revêts-toi
de gloire et de majesté ;
11 épanche les flots de ta
colère, d'un regard abaisse tout superbe.
12 D'un regard fais
plier tout superbe, écrase sur place les méchants ;
13
cache-les tous ensemble dans la poussière, enferme leur visage dans
les ténèbres.
14 Alors, moi aussi, je te rendrai l'hommage, que
ta droite peut te sauver.
15 Vois Béhémoth, que j'ai créé
comme toi : il se nourrit d'herbe, comme le bœuf.
16 Vois
donc, sa force est dans ses reins, et sa vigueur dans les muscles de
ses flancs !
17 Il dresse sa queue comme un cèdre ; les
nerfs de ses cuisses forment un solide
faisceau.
18 Ses os sont des tubes d'airain, ses côtes sont des
barres de fer.
19 C'est le chef-d'œuvre de Dieu ; son
Créateur l'a pourvu d'un glaive.
20 Les montagnes produisent pour
lui du fourrage, autour de lui
se jouent toutes les bêtes des champs.
21 Il se couche sous les
lotus, dans le secret des roseaux et des marécages.
22 Les lotus
le couvrent de leur ombre, les saules du torrent l'environnent.
23
Que le fleuve déborde, il ne craint pas ; il serait calme, si
le Jourdain montait à sa gueule.
24 Est-ce en face qu'on pourra
le saisir, avec des filets, et lui percer les narines ?
25
Tireras-tu Léviathan avec un hameçon, et lui serreras-tu la langue
avec une corde ?
26 Lui passeras-tu un jonc dans les narines,
et lui perceras-tu la mâchoire avec un anneau ?
27
T'adressera-t-il d'ardentes prières, te dira-t-il de douces
paroles ?
28 Fera-t-il une alliance avec toi, le prendras-tu
toujours à ton service ?
29 Joueras-tu avec lui comme avec
un passereau, l'attacheras-tu pour amuser
tes filles ?
30 Les pêcheurs associés en font-ils le
commerce, le partagent-ils entre les marchands ?
31
Cribleras-tu sa peau de dards, perceras-tu sa tête du harpon ?
32
Essaie de mettre la
main sur lui : souviens-toi du combat, et tu n'y reviendras
plus.
1 Voici que le chasseur
est trompé dans son attente ; la vue du monstre
suffit à le terrasser.
2 Nul n'est assez hardi pour provoquer
Léviathan :
qui donc oserait me résister en face ?
3 Qui m'a obligé,
pour que j'aie à lui rendre ? Tout ce qui est sous le ciel est
à moi.
4 Je ne veux pas taire ses membres, sa force,
l'harmonie de sa structure.
5 Qui jamais a soulevé le bord de sa
cuirasse ? Qui a franchi la double ligne de son râtelier ?
6
Qui a ouvert les portes de sa gueule ? Autour de ses dents
habite la terreur.
7
Superbes sont les lignes de ses écailles, comme des sceaux
étroitement serrés.
8 Chacune touche sa voisine ; un
souffle ne passerait pas entre elles.
9 Elles adhèrent l'une à
l'autre, elles sont jointes et ne sauraient se séparer.
10 Ses
éternuements font jaillir la lumière, ses yeux sont comme les
paupières de l'aurore.
11 Des flammes jaillissent de sa gueule,
il s'en échappe des étincelles de feu.
12 Une fumée sort de ses
narines, comme d'une chaudière ardente et bouillante.
13 Son
souffle allume les charbons, de sa bouche s'élance la flamme.
14
Dans son cou réside la force, devant lui bondit l'épouvante.
15
Les muscles de sa chair tiennent ensemble ; fondus sur lui,
inébranlables.
16 Son cœur est dur comme la pierre, dur comme la
meule inférieure.
17 Quand il se lève, les plus braves ont peur,
l'épouvante les fait défaillir.
18 Qu'on l'attaque avec l'épée,
l'épée ne résiste
pas, ni la lance, ni le javelot, ni la flèche.
19 Il tient le fer
pour de la paille, l'airain comme un bois vermoulu.
20 La fille de
l'arc ne le fait pas fuir, les pierres de la fronde sont pour lui un
fétu ;
21 la massue, un brin de chaume ; il se rit du
fracas des piques.
22 Sous son ventre
sont des tessons aigus : on dirait
une herse qu'il étend sur le limon.
23 Il fait bouillonner
l'abîme comme une chaudière, il fait de la mer un vase de
parfums.
24 Il laisse après lui un sillage de lumière, on dirait
que l'abîme a des cheveux blancs.
25 Il n'a pas son égal sur la
terre, il a été créé pour ne rien craindre.
26 Il regarde en
face tout ce qui est élevé, il est le roi des plus fiers animaux.
— Réponse de
Job. —
1 Job répondit à
Yahweh et dit :
2 Je sais que tu peux tout, et que pour
toi aucun dessein n'est trop difficile.
3 « Quel est
celui qui obscurcit le plan divin,
sans savoir ? » Oui, j'ai parlé sans intelligence de
merveilles qui me dépassent et que j'ignore.
4 « Ecoute-moi,
je vais parler ; je t'interrogerai, réponds-moi. »
5
Mon oreille avait entendu parler de toi ; mais maintenant mon
œil t'a vu.
6 C'est pourquoi je me condamne et me repens, sur la
poussière et sur la cendre.
7 Après que Yahweh eut adressé ces paroles à
Job, il dit à Eliphaz de Théman : « Ma colère est
allumée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n'avez
pas parlé de moi selon la vérité, comme l'a
fait mon serviteur Job.
8 Maintenant,
prenez sept jeunes taureaux et sept béliers ; puis venez
trouver mon serviteur Job, et offrez pour vous un holocauste. Job,
mon serviteur, priera pour vous, et c'est par égard pour lui que je
ne vous traiterai point selon votre
folie ; car vous n'avez pas parlé de moi selon la vérité,
comme l'a fait mon
serviteur Job. »
9 Eliphaz de Théman, Baldad de Suhé
et Sophar de Naaman allèrent donc et firent comme Yahweh leur avait
dit ; et Yahweh eut égard à la prière de Job.
10
Yahweh rétablit Job dans son premier état, pendant que Job
intercédait pour ses amis, et Yahweh rendit à Job le double de tous
ses biens.
11 Ses frères, ses sœurs et ses anciens amis vinrent
tous le visiter et mangèrent avec lui dans sa maison. Ils le
plaignirent et le consolèrent de tous les malheurs que Yahweh avait
fait venir sur lui ; et ils lui firent don chacun d'une késita
et d'un anneau d'or.
12 Et Yahweh bénit les derniers temps de
Job plus encore que les premiers, et il posséda quatorze mille
brebis, six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille
ânesses.
13 Il eut sept fils et trois filles ;
14 il
nomma la première Jémima, la deuxième Ketsia et la troisième
Kéren-Hapouk.
15 On ne trouvait pas dans toute la terre d'aussi
belles femmes que les filles de Job, et leur père leur donna une
part d'héritage parmi leurs frères.
16 Job vécut après
cela cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils
jusqu'à la quatrième génération.
17 Et Job mourut vieux et
rassasié de jours.
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